Combien devrait-on ajouter de moulée au robot ? Quel est l’impact sur les performances de la vache ? Quel sera l’effet sur l’ingestion de la ration partielle mélangée (RPM) ? Depuis quelques années, le chercheur Gregory Penner de l’Université de la Saskatchewan s’intéresse à ces questions. Voici une entrevue menée par Le Bulletin des agriculteurs avec lui.
Quel est le plus grand défi alimentaire pour un troupeau que l’on trait au robot?
Je crois qu’il y a plusieurs défis à mettre en lumière. La première chose est que les producteurs cherchent à trouver des stratégies qui encouragent les vaches à aller au système de traite automatique, souvent sans travail supplémentaire. On appelle ça « pousser les vaches ». Nous avons besoin d’attirer ces vaches pour qu’elles visitent le système de traite automatique.
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L’autre chose, c’est que les rapports détaillés tendent à être différents de ce qu’on retrouve dans nos études de recherche. C’est un problème parce que les producteurs vont adopter des stratégies qui sont recommandées par leur consultant ou leur fournisseur d’équipement, mais les recherches ne semblent pas appuyer ces recommandations. Je crois que c’est un défi qui ne leur permet pas d’optimiser les coûts lorsqu’il est question d’encourager la fréquentation au robot ou pour fournir une alimentation adaptée à chaque vache.

Quelle est la principale différence que vous voyez entre les recommandations des consultants et de la recherche?
La principale différence est que dans les rapports détaillés, il y a une croyance selon laquelle en donnant plus de moulée dans le robot, la vache va y aller plus souvent, mais nous ne voyons pas cela dans la recherche.
Le deuxième défi est que nous croyons que nous pouvons offrir une diète personnalisée à une vache spécifique, basée sur le fait que nous pouvons changer la quantité de concentrés dans le robot. Mais ils oublient l’impact que cela aura sur la consommation de la RPM (ration partielle mélangée).
La recherche démontre qu’en augmentant la consommation de moulée dans le robot, elles mangent cette moulée, mais elles diminuent aussi leur consommation de RPM. Et parfois même, elles vont diminuer davantage leur consommation de RPM que leur augmentation d’ingestion de moulée. Donc, on ne fournit pas une diète précise, mais nous fournissons plutôt des scénarios dont les résultats sont imprévisibles.
Donc, on connaît la quantité de moulée servie au robot, mais il est très difficile de connaître la quantité de RPM que la vache va manger. C’est cela?
Exact. Le robot mesure combien de moulée a été servie aux vaches, mais il ne dit pas combien de RPM ces vaches ont consommé. Ça, c’est au niveau individuel, mais quand les vaches vont dans la zone d’alimentation, toutes les vaches vont manger la même RPM. À la ferme, c’est impossible pour eux de savoir la quantité de RPM qui est consommée par une vache spécifique. Ils peuvent seulement évaluer la moyenne du groupe.
Dans ce cas, quelle est votre recommandation?
Nos recherches ont démontré qu’une quantité modérée peut être ajoutée au robot. Et l’opportunité d’ajuster une ration au niveau individuel a moins de potentiel qu’on le croyait au départ. Nous pouvons varier la quantité de moulée, mais avec une variance plus modérée.
Certains rapports de recherche démontrent que les vaches reçoivent jusqu’à 12 kg de moulée au robot. Nos résultats de recherche – et d’autres – démontrent que 6 kg par jour serait plus près du maximum recommandé.
Quel est l’aspect le plus important à comprendre pour les producteurs laitiers qui veulent alimenter les vaches au robot?
Si nous avons un message important à passer, ce serait que d’alimenter les vaches au robot, c’est beaucoup plus que de simplement ajouter de la moulée au robot.
Probablement plus de 80% de l’alimentation provient de la ration partielle mélangée. Nous ne devrions donc pas nous concentrer que sur une petite partie de la ration, mais plutôt sur les deux aspects de la ration.
C’est aussi important de considérer à la fois les études contrôlées (en centres de recherche) et les études basées sur des sondages (résultats à la ferme). Ainsi, nous pouvons avoir une vision plus large et plus complète de la gestion de l’alimentation pour les vaches au robot.

Qu’y a-t-il de particulier à propos de la RPM?
Je crois que le principal point sur lequel on devrait se concentrer, c’est que toutes les vaches du troupeau ont accès à la même RPM. Nous devons donc avoir une idée sur comment notre diète complète est formulée, parce que comme vous comprenez, nous ne pouvons changer que la quantité de moulée cubée.
Nous devons donc nous assurer que notre moulée cubée soit équilibrée en fonction de la formulation de notre RPM, et qu’ensemble, elles peuvent atteindre les niveaux de production de toutes les vaches dans ce groupe.
Les vaches en début de lactation sont dans le même groupe, mais elles ont des besoins spécifiques. Elles produisent plus de lait et ont besoin de plus d’énergie. Est-ce que vous compensez avec la moulée cubée?
C’est un bon point. C’est une perception généralisée. Nous venons juste de terminer une étude de vaches en transition : une allocation faible et une autre élevée de moulée cubée, en débutant au jour trois en lait jusqu’au jour 56. Nous avons observé que d’augmenter le taux de moulée servi n’avait pas de réel effet sur le nombre de visites au robot, sur la production laitière, ni même sur la composition du lait.
En fait, les vaches auxquelles on a servi moins de cubes au robot avaient un taux de gras et un taux de protéines plus élevé que les vaches à qui on a servi plus de moulée.
La façon de l’expliquer, c’est que ces vaches qui ont reçu moins de moulée dans le robot ont mangé davantage de RPM.
Nous ne pouvons donc pas nous attendre uniquement à ce que la moulée surmontera la RPM. Nous devons nous éloigner de penser en fonction d’une seule composante de la diète, mains plutôt accentuer et considérer le fait que la diète est composée à la fois de moulée et de RPM. Et de manière comptable, la RPM compte pour une plus grande partie des nutriments absorbés par les vaches au robot.
Donc, fournir plus de moulée en début de lactation ne va pas combler les besoins énergétiques de la vache. Ce qui se passe, c’est plutôt que la consommation de RPM augmente.
Pourquoi est-ce si important pour la vache?
Lorsqu’elles augmentent leur consommation de moulée d’un kilogramme sous forme de matière sèche, elles diminuent leur consommation de RPM de 1,3 kg. Donc, si vous calculez le changement en énergie consommée, ça peut être zéro. Donc, elles mangent plus de moulée, mais elles mangent moins de RPM. Et parce que la moulée est plus dense que la RPM, elles diminuent davantage la consommation de RPM, menant à une balance énergétique de zéro. Ainsi, le fait de donner plus de moulée peut ne pas augmenter l’absorption d’énergie.
Et la moulée est plus dispendieuse que la RPM.
Oui. Définitivement.
Cet article a été publié originellement dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs, en octobre 2020. Abonnez-vous!