Problème criant de financement dans le bœuf

Depuis 2022, le prix des veaux a grimpé de 500%

Publié: 15 août 2025

Pierre-Luc Nadeau à sa ferme

Avec les prix des veaux qui ont explosé depuis 2022, les producteurs de veaux et de bouvillons ont de la difficulté à financer l’achat d’animaux. Il en résulte des places vides dans les bâtiments.

C’est le cas de l’éleveur de veaux de lait et de veaux croisés Pierre-Luc Nadeau de la Ferme Deaunier de Saint-Isidore en Beauce. Cet été, 20% des 778 places étaient libres, faute de financement à court terme. Il n’avait tout simplement pas l’argent pour acheter les veaux nécessaires pour remplir toutes les places.

Pierre-Luc Nadeau n’est pas le seul. Cette situation est généralisée au point que les Producteurs de bovins du Québec en aient fait une priorité.

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500% d’augmentation

Depuis 2022, l’augmentation du prix des veaux a connu une hausse de 500%. Les veaux laitiers Holstein se donnaient presque à l’époque. Pour les veaux croisés, le prix a pratiquement doublé dans la dernière année.

« Pour un producteur de veaux lourds, que ce soit veau de lait ou veau de grain, s’approvisionner en petits veaux laitiers, c’est rendu que ça coûte 1500 ou 1600$ facilement », explique le président des Producteurs de bovins du Québec, Sébastien Vachon.

Les mâles croisés Holstein-Angus peuvent se vendre 2000$. Selon Sébastien Vachon, ils sont davantage destinés à l’exportation. « La plus grosse problématique […], c’est le financement à court terme pour ces entreprises-là », explique Sébastien Vachon.

Il ajoute que les producteurs de veaux d’embouche, de bovins de réforme et les producteurs laitiers bénéficient des prix élevés. Cependant, pour ceux qui les achètent, c’est difficile parce qu’ils doivent financer l’achat de ces veaux.

Les institutions financières financent environ 50% du prix des veaux. « Dans le bouvillon d’abattage, pour un veau d’embouche qui se vend présentement 3700 à 3900$, le veau va être financé à environ 2100$ environ. Donc, on a une marge de 1500 à 1800$ par veau que le producteur doit avancer en garantie, soit par ses terres, soit par ses bâtiments, soit par ses acquis passés », ajoute le président des PBQ. La situation est similaire pour le veau lourd.

Sébastien Vachon explique que certains producteurs bovins ne sont pas prêts à mettre en garantie ce qu’ils ont acquis depuis de nombreuses années. « Ces producteurs-là se disent : si moi, je ne suis pas capable d’acheter des veaux, je suis faite. Et puis, elle est là la problématique », dit Sébastien Vachon.

« Dans ces secteurs-là où il y a des faibles marges, eh bien, les marges n’ont que servi à racheter des veaux. Ça n’a pas été du profit que les gens ont pu réinvestir dans leur entreprise. C’est l’argent qui a servi pour acheter les prochains veaux, la prochaine matière première. »

Une crainte de Sébastien Vachon est que l’automne prochain, les producteurs de bouvillons choisissent de vendre les grains plutôt que de le garder pour nourrir le bétail. « Une ferme qui se vide ne se remplit pas », dit-il.

Baisse du cheptel québécois

Sébastien Vachon explique que dans les 10 dernières années, le cheptel québécois de bouvillon a diminué de 75%.

« On est passé de quelque 230 000 bouvillons dans les années 2012-2013, à un peu moins de 60 000 l’année passée, dit-il. Dans ce même temps-là, le secteur de veau lourd a eu une chute aussi, assez importante de leur côté, mais moins drastique que le secteur bouvillon. Mais pendant ce même temps-là, nos voisins qui sont un peu plus à l’Ouest que nous, l’Ontario a passé d’un cheptel de bouvillons qui était autour de 200 000 têtes à environ 1 million de têtes cette année. Dans le même temps que nous, on est en déclin. »

Solution proposée

Depuis mars dernier, les gens des Producteurs de bovins du Québec sont en pourparlers avec Beef Farmers of Ontario, leur équivalent ontarien. Ils ont cherché à comprendre pourquoi sans avoir d’Assurance stabilisation des revenus agricoles comme nous, la production bovine est autant en croissance, alors qu’ici elle est en décroissance.

Les démarches ont permis de cibler un programme qui fait toute la différence : le Programme de garantie de prêt pour les bovins d’engraissement.

Ce programme a été créé en 1990 et fournit, par l’intermédiaire de coopératives locales, des prêts à faible intérêt aux éleveurs bovins de la province. Le programme est soutenu par une garantie de 25% du gouvernement provincial, garantie qui n’a jamais été utilisée au cours de sa longue histoire.

Sébastien Vachon et Pierre-Luc Nadeau, qui est aussi membre de l’exécutif des PBQ en plus d’être président du comité de mise en marché veau de lait, croient que ce programme est ce qui permettrait de faire la différence pour les producteurs du Québec. Des démarches ont été faites auprès du gouvernement provincial pour faire adopter un tel programme au Québec.

En attendant la venue d’un tel programme, Pierre-Luc Nadeau a réussi à financer l’achat de veaux et de remplir ses bâtiments en changeant d’institution financière cet été, mais il continue de croire que la venue au Québec d’un programme inspiré de ce qui se fait en Ontario est la meilleure solution pour le secteur.

Sébastien Vachon dit qu’il a des bonnes discussions avec le gouvernement québécois. Il espère des réponses à court terme.

Il explique que le financement à court terme est le maillon faible actuellement dans la filière bovine. « Les abattoirs sont très inquiets par la diminution d’approvisionnement », dit-il. Une décroissance supplémentaire aurait aussi un impact sur ces entreprises. « C’est criant comme situation », dit-il.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.