Les cultivars de luzerne plus digestibles ne sont pas tous égaux. Parmi les cultivars testés sous nos conditions québécoises, les cultivars de luzerne génétiquement modifiés (GM) pour une teneur réduite en lignine ont clairement démontré qu’ils possédaient une digestibilité de la fibre supérieure tout en maintenant des rendements comparables aux cultivars non GM.
La luzerne est la légumineuse fourragère la plus cultivée au Québec, entre autres en raison de son fort potentiel de rendement et de sa valeur nutritive élevée. La qualité de celle-ci diminue toutefois à mesure que la plante avance en maturité. La teneur en fibres augmente alors que la digestibilité des fibres diminue tout comme la teneur en protéines brutes. La diminution de la digestibilité des fibres est principalement due à l’augmentation de la concentration en lignine de la plante. La lignine est une molécule complexe que l’on retrouve dans les parois cellulaires. Elle confère aux tiges la rigidité nécessaire à leur croissance en hauteur. Par le fait même, elle rend les parois cellulaires beaucoup moins digestibles. Comme la concentration en lignine est plus importante dans les tiges que dans les feuilles, l’augmentation du ratio tiges/feuilles avec la maturité de la plante affecte aussi négativement la digestibilité du fourrage.
Il est possible de modifier la composition des parois cellulaires par le biais de la génétique afin d’accroître la digestibilité du fourrage. Des cultivars de luzerne ont été développés par sélection conventionnelle (sélection et croisement des meilleurs individus) afin de réduire leur concentration en lignine, d’accroître leur concentration en pectine, ou d’améliorer la dégradabilité enzymatique de leur tige. Des cultivars GM pour une teneur réduite en lignine ont aussi été développés afin d’améliorer la valeur nutritive de la luzerne en modifiant deux gènes impliqués dans la biosynthèse de la lignine.
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Un projet de recherche a été mené au Québec pour comparer le rendement et la valeur nutritive de huit cultivars de luzerne : deux GM à teneur réduite en lignine (de type HarvXtra); quatre sélectionnés de manière conventionnelle pour une digestibilité accrue, soit deux à teneur réduite en lignine (de type Hi-Gest), un à teneur élevée en pectine, et un à dégradabilité enzymatique améliorée de la tige; ainsi que deux témoins. Ces cultivars ont été récoltés soit au stade début boutons (4 coupes/an; gestion intensive) ou à moins de 10 % en fleurs (3 coupes/an; gestion extensive) pendant deux ou trois ans, et ce, à trois sites (2 à Saint-Augustin-de-Desmaures et 1 à Sainte-Anne-de-Bellevue). Les objectifs de cette recherche étaient donc de comparer le rendement, la valeur nutritive et la persistance de quelques cultivars de luzerne potentiellement plus digestibles à ceux de cultivars témoins, et ce, sous une gestion de coupe intensive ou extensive, et dans les conditions bioclimatiques du Québec.
Tous les cultivars ont bien survécu aux conditions du premier hiver. Les résultats de la première année de production, soit celle suivant le semis, montrent que tous les cultivars ont eu un rendement saisonnier comparable à celui des témoins, sauf le cultivar sélectionné pour une dégradabilité enzymatique améliorée de la tige qui a eu un rendement inférieur à celui des témoins (-13 %), et ce, sous les deux gestions de coupe. Les cultivars GM avaient une NDFd de 4,7 unités de % supérieure ainsi qu’une teneur en fibres NDF de 1,0 unité de % inférieure à celles des témoins. Les cultivars sélectionnés de façon conventionnelle n’ont pas démontré une digestibilité supérieure puisque leurs valeurs de NDFd étaient similaires à celles des témoins.
Les cultivars GM offraient également une plus grande flexibilité de récolte. En effet, avec une coupe de moins par an lorsque récoltés au stade début floraison, les cultivars GM avaient un rendement saisonnier de 1,0 t MS/ha supérieur et une NDFd similaire à ceux des cultivars témoins récoltés au stade début boutons. Toutefois, la récolte des cultivars GM à un stade plus avancé s’est également traduite par une teneur en protéines brutes de la luzerne inférieure (-3,1 unités de %) ainsi que des teneurs en NDF (+5,6 unités de %) et en lignine (+0,16 unité de %) supérieures à celles des cultivars témoins récoltés à un stade plus hâtif.
Les cultivars de luzerne GM à teneur réduite en lignine peuvent donc être utilisés afin d’accroître la digestibilité de la ration fourragère et ainsi potentiellement améliorer l’efficacité alimentaire des vaches. Ils peuvent aussi être utilisés pour reporter la récolte de quelques jours afin d’accroître le rendement tout en conservant la même digestibilité de la fibre NDF des cultivars témoins récoltés plus tôt, mais ils seront alors moins riches en protéines et plus riches en fibres NDF.
Source : Marie-Soleil Boucher, Caroline Halde et Édith Charbonneau, Université Laval; Gaëtan Tremblay, Mireille Thériault, Annick Bertrand, Annie Claessens et Gilles Bélanger, Agriculture et Agroalimentaire Canada; Philippe Seguin, Université McGill; Robert Berthiaume et Jean-Philippe Laroche, Lactanet.
Un article complet sur le sujet a été publié dans l’édition de janvier 2022 du Bulletin des agriculteurs.