Bien qu’il ait « accroché son micro » officiellement en tant que journaliste spécialisé en agroalimentaire à Radio-Canada en 2015, on entend encore régulièrement sa voix familière dans le monde agricole. C’est que le « retraité » est encore très actif et à l’affût des enjeux du secteur. Chaque semaine, il se déplace sur le terrain pour aller à la rencontre des acteurs du milieu. Toujours avec le même objectif en tête : être à l’écoute des gens et rapporter leurs propos.

« Mon approche a toujours été de laisser le plus de place possible aux intervenants. Mon propos est utile pour la mise en contexte et rattacher les éléments, mais ce qui est important, c’est ce que disent les gens », affirme le journaliste. « Le contexte de l’information est très difficile, poursuit-il. Souvent tu as assisté à une présentation d’une heure et tu as quelques minutes pour raconter le tout. » Depuis 2015, c’est sur le site Agro Québec qu’on peut entendre ses reportages sous forme de balados. Cette formule avec des entrevues d’une douzaine de minutes permet aux intervenants d’aller au bout de leurs idées, une belle flexibilité qui lui plaît.
Pendant sa longue carrière à la société d’État, Lionel Levac a collaboré aux bulletins radiophoniques de nouvelles ainsi qu’à plusieurs émissions spécialisées, telles que D’un soleil à l’autre et plus récemment Bien dans son assiette. De 1998 à 2022, il a tenu une chronique à l’émission Samedi et rien d’autre de Joël Le Bigot, jusqu’à ce que ce dernier prenne sa retraite en juin dernier. « Je n’ai pas manqué un seul samedi, rigole-t-il. J’ai eu énormément de plaisir à participer à cette émission. Joël Le Bigot a toujours été sensible aux questions de ruralité et d’agriculture. »
Spécialisé en agroalimentaire depuis ses débuts, Lionel Levac a été un témoin privilégié d’une partie de l’histoire de l’agriculture du Québec. « J’ai assisté à une dizaine d’audiences publiques sur la protection du territoire agricole dans les années 1978-79, qui ont mené à la création de la loi. Avec tous les défauts qu’elle peut avoir, cette loi-là a quand même eu la qualité d’imposer une protection générale sur le territoire », croit-il. Un dossier qui l’a tenu longtemps en haleine est celui de l’aéroport de Mirabel où des agriculteurs protestaient contre l’immensité de l’accaparement des terres par le fédéral. « Ils avaient raison de protester, car après coup, Ottawa a rétrocédé des milliers d’hectares de terre », se rappelle-t-il.
À lire aussi

Le monde agricole déçu des engagements du gouvernement Legault
Les promesses agroenvironnementales et la tarification carbone ne sont pas à la hauteur des attentes de l’UPA et des Producteurs de grains du Québec. Entrevue.
Il a couvert de près également la crise du verglas en 1998. « Je me souviens m’être promené à travers les campagnes et de voir des fils électriques qui traînaient partout et des poteaux couchés dans les chemins. Les éléments naturels imposent des choses au monde agricole auxquelles on n’est souvent pas prémunis », soutient-il. Malgré l’importance des enjeux agroalimentaires, Lionel Levac a dû souvent s’imposer pour que ses sujets soient diffusés. « Il a fallu que je me batte pour que mes sujets passent. Entre deux nouvelles économiques, l’agriculture et l’agroalimentaire n’étaient pas la priorité », indique-t-il.
Au fil du temps, il a créé un réseau de contacts enviables. « Il y a plusieurs agriculteurs de différentes régions que j’appelle régulièrement pour avoir des nouvelles. Je fais la même chose au niveau politique aussi pour avoir le pouls. » D’ailleurs, il a côtoyé de près l’ancien ministre de l’Agriculture le plus apprécié des producteurs, Jean Garon. « On en était venu à se connaître pas mal. Après des évènements de producteurs, il me disait « Arrêtez à Drummondville en passant, on va jaser ». J’ai été obligé de mettre un frein, car il m’appelait parfois à 10h30 le soir à la maison, dit-il en riant. »
Le journaliste a contribué de nombreuses années à des périodiques également, dont Le Bulletin des agriculteurs.
Bien que son père agronome l’ait initié au secteur agricole depuis son enfance, Lionel Levac ne pensait pas demeurer dans le milieu en embrassant une carrière journalistique. Ce sont les différentes occasions professionnelles qui l’ont mené vers cette spécialité. « Le premier mandat qu’on m’a confié en sortant de mes études au département des communications du Cégep de Jonquière, c’est d’écrire un cahier agroalimentaire pour Le progrès dimanche, raconte-t-il. Quand je suis arrivé à Radio-Canada à Montréal, l’affectateur national m’a dit : « j’ai deux dossiers de libres : les communications et l’agroalimentaire ». L’agroalimentaire a tout de suite été mon choix. »
Livre : Trente arpents de Ringuet. « C’est le seul livre que j’ai lu d’un seul trait vers l’âge de 16-17 ans. Je l’ai commencé vers 8h le soir pour le finir à 5h du matin. La trame de fonds de cette histoire-là m’est resté longtemps, c’est très collé sur le monde rural. »
Film : « J’aime beaucoup les bonnes séries policières scandinaves et britanniques, comme Enquêtes à Morecambe et Ragnorok. La série québécoise District 31 me faisait bien rire, j’ai bien aimé. »
Personnage : « Je suis en train de lire la biographie du sociologue Guy Rocher qui est très intéressante. C’est quelqu’un qui a une ouverture d’esprit extraordinaire : il a commencé sa vie sous le chapeau de la religion et est devenu un grand défenseur de la laïcité. »
Cause : « Je suis très sensible aux questions de la répartition de la richesse alimentaire. Dans la société, il y a plein de gens préoccupés par ce qui se retrouve ou non dans leur assiette. De temps en temps, j’aime parler des gens qui s’occupent des banques alimentaires ou des chefs qui offrent leur temps pour des évènements. »
Passe-temps : « Faire de la photo, m’occuper de l’entretien de mon terrain et de mes plants de tomates. »
Vision de l’agriculture : « Ma vision idéaliste est qu’il reste le plus possible de familles agricoles. Il faut que l’agriculture soit très diversifiée dans les types de cultures, les régions, les marchés. Cette diversité-là doit être dans la petite entreprise comme dans la grande. Une étude récente démontre que s’alimenter localement coûte moins cher qu’acheter des aliments de l’extérieur à condition que les achats se fassent dans les grandes surfaces. Ça veut dire que les grandes chaînes vont toujours demeurer essentielles, surtout considérant que certaines personnes, pour une question d’argent, n’auront jamais accès à certains modèles de production. »