Le Québec a été soumis à des conditions presque hivernales dans les deux derniers jours. Le mercure est descendu de plus de 15 degrés Celsius sous les normales ce mercredi, avec même des précipitations de neige dans certaines régions. Conséquence, un avis de gel a été émis par Environnement Canada pour les deux dernières nuits. La température est descendue sous le point de congélation dans plusieurs régions.
Les conditions ont été favorables à une descente du froid en profondeur et sur une longue durée. Météomédia rapporte que les vents étaient calmes, ce qui permet au froid de bien s’installer. Le Réseau d’avertissement phytosanitaire (RAP) était d’ailleurs actif mercredi en lançant des avis dans plusieurs cultures. Toutes les régions ont en fait enregistré un gel, sauf Montréal.

En Montérégie, un producteur maraîcher a enregistré -7 °C la nuit de mercredi à jeudi. Des producteurs de fraises ont passé les dernières nuits à arroser les champs afin de les protéger.

Au Roi de la fraise, ferme maraîchère située à Saint-Paul-d’Abbotsford, on constate déjà avoir perdu un champ de fraises, même après 13 heures d’irrigation. « Tous les boutons semblent avoir gelés, ils sont tous noirs. Mais pour les autres champs, de ce qu’on a vu à date, il y aura peut-être quelques dégâts ici et là, mais on pense être correct. Ce ne sera pas la plus grosse année », rapporte Johannie Maynard.

D’autres ont allumé des feux ou fait tourner les éoliennes afin de protéger les arbres fruitiers et les vignes. C’est le cas d’Étienne Gosselin, de la Ferme 45e Parallèle de Stanbridge East, qui a déroulé ses couvertures isolantes sur ses plants de raisins de table. Il a en plus allumé huit gros feux, tandis que quatre voitures fonctionnaient vitres baissées avec le chauffage. Il estimait jeudi que 50 % des pousses étaient brûlées par le froid. « J’aurai une récolte de 65-75 % du rendement espéré, car les bourgeons secondaires vont démarrer et ils sont un peu fructifères. »
Maurice Léger Bourgoin, directeur de l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ), en était encore à obtenir un portrait de la situation jeudi midi. « Les producteurs sont à enlever les bâches pour constater les dégâts. Parmi les plus vieux producteurs, le dénominateur commun, c’est que de mémoire d’homme, on n’a jamais vu un gel si tardif (…) Ce qui fait peur, c’est une autre nuit froide. » Selon les échos reçus à l’APMQ, des dommages semblaient être rapportés en Montérégie, en se dirigeant vers l’Estrie. Lanaudière pourrait même avoir été plus affectée.
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Les asperges étaient mentionnées parmi les cultures touchées, alors que les laitues et les oignons ont vécu un stress. Dans le cas des légumes racines, Maurice Léger Bourgoin indique que malgré un peu de dommages, cela « ne semblait pas désastreux ».
Des dégâts sont également observables dans les grandes cultures. Des producteurs ont utilisé l’application de l’État des cultures pour partager leurs observations. Dans le Centre-du-Québec, le gel a déjà fait des dommages la semaine dernière. Le blé d’automne, déjà en stade tallage, s’en sortirait indemne. Lyne Beaumont, agronome pour Sollio, avertit toutefois que le blé d’automne plus avancé pourrait être plus touché. Dans le cas du blé de printemps, l’émergence a été retardé en raison du temps frais. Avec deux ou trois feuilles hors de terre, le point de croissance se trouve toujours sous le sol, donc à l’abri. Pour les plants plus matures, la levée pourrait être plus difficile.
Les prairies ne sont pas épargnées. « Les températures de la nuit de mercredi à jeudi ont atteintes -7 degrés Celsius (avec le facteur vent) pour la Mauricie. Donc, il se pourrait fortement qu’il y ait eu des dommages dans les luzernières en croissance. La visite des champs est hautement recommandée dans les prochains jours pour constater si toute la partie supérieure du feuillage est noire, brune ou nécrosée. Si c’est le cas, ça signifie que le bourgeon méristématique a été tué par le gel et qu’il ne poursuivra pas sa croissance. Résultat… Le plant est mort », déclare Christian Duchesneau, expert fourragères et gazon chez Synagri.
Maurice Cadotte, agronome chez Semences Pride, indique que le maïs déjà sorti de terre devrait s’en tirer, tout comme celui semé il y a cinq ou six jours. Il s’inquiète davantage pour celui semé lundi qui a été gorgé d’eau froide. « On risque d’avoir des problèmes d’émergence et par conséquent des trous dans les champs. »
L’agronome rappelle la règle des 10-10-10 pour les semis, soit les bonnes conditions qui correspondent à attendre à 10h le matin pour semer, à 10 cm de profondeur, à 10 °C de température du sol. « J’attendrais dimanche ou lundi avant de semer. La patience en vaut la peine dans ce cas », dit l’agronome qui confirme que la fenêtre de semis est encore ouverte pour le maïs et encore plus pour le soya. Semer dans les conditions actuelles pourraient mener à devoir retourner dans le champ pour semer de nouveau. « On risque de faire plus d’argent à rester assis dans le salon que d’aller dans le tracteur », illustre-t-il.