On a un secteur où on avait prévu de passer la sous-soleuse cette année. Ça fait longtemps que c’est une zone à problèmes. Un type de sol complexe qui a tendance à se densifier. La récolte est toujours moins belle, plus de lumière donc plus de problèmes avec la prêle. Plus de problèmes avec la prêle engendre moins de rendement, moins de matière sèche et le processus de dégradation se continue comme un chien qui essaie d’attraper sa queue.
On possède une petite sous-soleuse qui fait un travail parfait et qui répond à ce qu’on recherche. Par contre, à la vitesse de chantier qu’on arrive à réussir, ça nous oblige à bien cerner les zones du champ qui sont problématiques.
Notre objectif : bien définir la zone problématique. Évaluer la profondeur de travail qu’on aura à faire. Ensuite ajouter un mélange de plantes de couverture qui pourront continuer de faire le travail en colonisant la zone. On a eu d’excellents résultats dans les dernières années avec ce genre d’approche.
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Avec les conditions pluvieuses de cette année, on oublie l’idée d’utiliser la sous-soleuse. On va probablement changer notre rotation pour nous permettre de nous reprendre en 2024 avec un plan de match plus agressif. À la limite, oublier la récolte sur ces 3-4 ha et se donner une fenêtre beaucoup plus longue autant pour avoir la possibilité de sous-soler tout en ayant l’opportunité d’amener un couvert à maturité qui saura nous donner un maximum d’enracinement.
Et pendant ce long préambule qui explique mon raisonnement du pourquoi de notre incapacité à effectuer une certaine correction mécanique de notre problématique, je suis retourné au champ la semaine dernière avec d’autres agriculteurs évaluer une partie de ce que notre couvert végétal en place était en train de réussir.

Un petit groupe en plein milieu du champ. Pas besoin de crier pour expliquer le lourd travail de sous-solage en cours. Non. Si je me fermais la trappe, on entendrait nos pollinisateurs gambader, pas de boucane, aucun fanion publicitaire et aucune description du super tracteur de X hp. À genoux, on sort la pelle et on observe ce que nos racines sont en train de faire. En silence, sans GES, sans financement 0% intérêt pour trois mois! Seulement des racines. Le travail est en train de se faire et avec la température qu’on a devant ce sera encore plus impressionnant dans 40 jours.
Eh bien faut faire attention maintenant. Dès qu’on parle de racine, immédiatement le réflexe du « Ça peux-tu boucher les drains? » sort comme la raison d’éviter d’être aussi relaxe avec notre sol. Vrai que c’est à la limite inquiétant d’imaginer des drains bouchés et du travail de lavage ou réparation quand ça arrive. Ça arrive! Oui à certains endroits. Pourquoi? C’est embêtant à déterminer.
Je me dis pourquoi j’éviterais d’utiliser des plantes en ayant une peur bleue de certains dommages possibles. Les légendes rurales se répandent à grande vitesse. Et ça reste. Ensuite, il faut bien évaluer nos probabilités chez nous. On n’a pas eu de problèmes encore. On surveille. On cultive même des radis fourragers qu’on amène à maturité depuis 5-6 ans. Rien.
Tant qu’à y réfléchir. Disons que je m’expose à un possible blocage de drain avec mes plantes, je m’expose à quoi avec ma sous-soleuse? Combien ça coûte en perte future si j’exécute le travail dans des conditions imparfaites qui pourraient me causer des problèmes sournois de lissage, de stagnation d’eau dans des fonds de passage de pattes. Comment évaluer les coûts reliés à devoir reprendre et reprendre le même coûteux travail au fil des années qui en général nous font reluquer des tracteurs encore plus puissants pour tout réussir dans les temps.
Attention, je ne suis pas contre le sous-solage! Je suis plutôt d’avis que de lourds travaux comme le sous-solage doivent être faits dans des conditions parfaites tout en s’assurant que ce ne sera pas une technique à faire à répétition.
Une réflexion qui m’amène à mesurer une valeur ajoutée à nos couverts végétaux qu’on implante. Supposons qu’on éloigne seulement un passage de sous-soleuse avec l’aide de notre couvert. Ça représente quel montant un passage? Chez nous : 100$ / ha seulement pour le carburant et l’opérateur. Si j’ajoute l’usure, amortissement et les coûts cachés du « tsunami souterrain », ça commence à faire tout un montant! Alors j’imagine l’impact sur plusieurs années sans tsunami souterrain.
Sortir la sous-soleuse verte vaut beaucoup plus que la crainte d’un possible blocage de drain. Et tout ça sans GES! Une raison additionnelle d’apprendre à utiliser le génie végétal!
Profession agriculteur.