Semer à l’automne ou au printemps?

Publié: 15 février 2022

Tous conviennent qu’un blé d’automne qui survit bien à l’hiver procure un meilleur rendement qu’un blé de printemps.

Tous conviennent qu’un blé d’automne qui survit bien à l’hiver procure un meilleur rendement qu’un blé de printemps. Un meilleur bénéfice aussi, évidemment. Mais à quel écart doit-on exactement s’attendre? Un projet réalisé en 2020 et 2021 apporte une réponse éclairante. Financé par le MAPAQ, ce projet, qui avait la double vocation d’essai et de démonstration, a donné lieu à l’implantation de parcelles comparatives dans dix régions différentes. Il était piloté par l’agronome Francis Allard, professionnel de recherche à l’IRDA, qui a bénéficié du support de Jean-Francois Drouin, économiste principal au Centre d’étude sur les coûts de production en agriculture. Ceux-ci ont présenté les résultats du projet dans le cadre d’un webinaire sur les grandes cultures qui s’est tenu le 2 février dernier.

En 2020, le blé d’automne s’en est nettement mieux tiré que le blé de printemps. Sur l’ensemble des parcelles, il a procuré un rendement de 2 912 kg/ha comparativement 2 034 kg/ha pour le blé de printemps. On se souvient que cette année-là, on a connu un printemps et un été particulièrement chauds et secs. À noter que le seigle hybride d’automne a fait encore mieux que le blé d’automne avec un rendement moyen de 3 445 kg/ha.

Il reste que ces rendements n’ont rien d’impressionnant et cela s’est répercuté sur la rentabilité des cultures. Une rentabilité que les auteurs de l’étude expriment par la marge brute, soit les revenus moins les coûts variables (engrais, pesticides, etc.). Le blé de printemps a perdu 145$/ha, la blé d’automne a rapporté un mince 45$ $/ha et le seigle hybride d’automne a fini près du point neutre avec une perte de 6$/ha. Ces estimés reposent des prix à la tonne représentatifs de 2020, soit 270$/t pour le blé d’alimentation animale et 240$ pour le seigle d’alimentation animale.

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Le portrait de la saison 2021 est très différent et il s’avère révélateur du potentiel des céréales d’automne quand Dame Nature se montre coopérative. On se souvient que mai et juin ont été extrêmement chauds. «Le blé de printemps a dû se battre pour faire sa place, commente Francis Allard. De leur côté, le blé et le seigle hybride d’automne ont profité d’une excellente survie à l’hiver. Ils ont connu un départ rapide et, disposant déjà d’un système racinaire bien développé, ils ont mieux supporté l’excès de chaleur et le manque d’eau.» Ceux-ci ont donc produit des rendements respectifs de 5 097 et 5 328 kg/ha alors que le blé de printemps a plafonné à 2 776 kilos/ha. Les marges sur coûts variables, basées sur des prix du grain de 320$/t pour le blé d’alimentation animale et de 290$/t pour le seigle, se sont élevées respectivement à 900 $/ha, 716 $/ha et 210$/ha. 

La paille, une mine d’or

Jusqu’ici, seuls les revenus provenant de la vente du grain étaient considérés. Si on y ajoute ceux générés par la vente de la paille, le portrait change et il pourrait en surprendre certains.

En 2021, on a mesuré le rendement en paille dans deux sites des sites d’essai. Celui-ci équivalait à 98 petites balles carrées dans le blé de printemps, 117 balles dans le blé d’automne et une somme impressionnante de 200 balles dans le seigle hybride d’automne. 

En supposant un prix de quatre dollars la balle, la vente de la paille a fait gonfler la marge sur charges variables à 703$/ha dans le blé de printemps, 1 260$/ha dans le blé d’automne et 1 693$/ha dans le seigle d’automne. «On est dans les mêmes eaux que pour le maïs et le soya, signale Francis Allard. En 2021, la marge sur coûts variables du maïs en Mauricie et dans Chaudière-Appalaches était de 1 500 $/ha et celle du soya de 1 000 $.»

«Si vous avez un marché pour la paille, vous avez intérêt à la vendre, ajoute-t-il. Cela va vous permettre de sortir de bien meilleures marges. Sans compter que vous pourrez ensemencer un engrais vert dès le début d’août.»

À venir dans le Bulletin Express de vendredi : Si on ne se base que sur 2020 et 2021, on doit conclure qu’il y a clairement un avantage à semer une céréale d’automne plutôt qu’une blé de printemps. Mais voilà, il y a des années où la survie à l’hiver est moins bonne et même parfois catastrophique. Les auteurs de l’étude ont poussé leur analyse plus loin en allongeant la période considérée à cinq ans et en élaborant différents scénarios météorologiques. 

À PROPOS DE L'AUTEUR

André Piette

André Piette

Journaliste

André Piette est un journaliste indépendant spécialisé en agriculture et en agroalimentaire.