Il faut changer nos façons de faire pour combattre l’influenza aviaire

L'expert mondial des infections avicoles Jean-Pierre Vaillancourt dresse un portrait de la situation

Publié: 16 septembre 2022

Les éleveurs de volaille doivent redoubler de vigilance pour éviter de faire entrer le virus de l'influenza aviaire dans leur élevage.

Dans la lutte contre l’influenza aviaire qui sévit à travers le monde actuellement, il faut sortir des modes traditionnels parce que la maladie n’est plus du tout ce qu’elle était dans le passé. Dans un webinaire organisé par l’AQINAC, le Dr Jean-Pierre Vaillancourt, professeur titulaire de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal et expert mondial des maladies infectieuses aviaires, a présenté la situation et a pointé ce qu’il faut changer pour lutter contre la maladie. Selon lui, il faut revoir nos façons de faire. 

Le virus de l’influenza aviaire a toujours été présent chez les oiseaux sauvages, mais depuis 2015-2016, nous voyons une augmentation fulgurante des cas d’influenza aviaire à travers le monde. « Au niveau mondial, c’est rendu presque partout », spécifie Jean-Pierre Vaillancourt. Pratiquement toutes les régions du monde sont touchées : Amérique du Nord, Europe, Afrique, Asie. 

Les changements climatiques sont pointés du doigt parce qu’ils accroissent les rencontres entre les oiseaux des différentes régions. Un élément important qui change aussi, c’est que le virus ne suit plus les périodes traditionnelles de transmission. Des cas surviennent en été, comme ce fut le cas à Valcartier dans la région de Québec, et amènent des questionnements parmi les scientifiques.

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La propagation de la maladie met en évidence les limitations des lois en situation de crise. Par exemple, en France où le compostage à la ferme est interdit, le transport d’animaux morts d’influenza aviaire par des équarisseurs a accéléré la transmission de la maladie d’une région à l’autre. La France est le pays le plus touché avec 1350 foyers sur les plus de 4000 foyers dans 35 pays depuis un peu moins d’un an. Ce qui est assez particulier de la France, c’est qu’il y a huit souches différentes qui agissent de façon différente. Le virus de l’influenza aviaire mute beaucoup.

Aux États-Unis, les régions où il y a plus de canards et des oies de basse-cour, présentent plus de cas alors que la grande région d’intégration au Sud-Est du pays est relativement épargnée. Ce qui est particulier, c’est que des mammifères sont touchés : renards, mouffettes, visons, phoques. En Ontario, la présence de plans d’eau naturels à proximité des élevages est ciblée comme un facteur de risques de contamination.

Le Québec a été relativement épargné. Les deux grands épisodes d’influenza aviaire dans des élevages commerciaux sont survenus dans des élevages de canards en Estrie et des élevages de dindons à Valcartier. Pourtant, le H5N1 est trouvé dans des oiseaux sauvages depuis des années, et ce, un peu partout à travers la province. 

La biosécurité reste importante. Certains points ont présenté davantage de risques en France : gestion inadéquate des déplacements de véhicules et du personnel; gestion inadéquate des mortalités; programme de contrôle des vermines inadéquats. Des facteurs d’introduction ont été prouvés comme la non-observance du port des bottes, la présence de canards sur parcours et la visite d’amis sur la ferme.

Changer les paradigmes

Selon Jean-Pierre Vaillancourt, il faut changer les paradigmes au niveau de la biosécurité, de la surveillance et de la vaccination. Au niveau biosécurité, la multiplication des élevages de basse-cour constitue un risque. Ce n’est pas tant que les élevages de basse-cour présentent davantage de risques individuellement, mais c’est plutôt le fait qu’ils multiplient le nombre de sites et qu’ils peuvent s’installer à proximité d’élevages commerciaux. Selon Jean-Pierre Vaillancourt, les élevages de basse-cour ne devraient pas avoir le droit de s’installer partout.

Au niveau surveillance, Jean-Pierre Vaillancourt explique que le mode d’échantillonnage à la ferme devrait être revu. Une étude en France a démontré que les échantillons pris dans l’environnement des oiseaux par les éleveurs et envoyés par eux au laboratoire démontraient des résultats comparables aux tests effectués par un vétérinaire.

La vaccination est un outil intéressant, mais pas infaillible parce qu’elle a ses limites. La plus grande problématique actuellement, c’est que la compagnie a développé un vaccin pour les États-Unis, mais le Canada n’est pas intéressant commercialement pour faire tous les tests. Il faudrait donc que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) change sa façon d’approuver le vaccin pour le Canada. Selon Jean-Pierre Vaillancourt, malgré tout ce qu’il a dit, il ne faut pas paniquer, mais il faut agir. 

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.