Les primes pour le porc Coop dérangent

Les Éleveurs de porcs ont tenu leur Forum stratégique

Publié: 10 novembre 2023

Le président des Éleveurs de porcs est monté sur la scène lorsque le sujet sur les primes accordées par Sollio à ses membres lors de la période de discussion en fin de journée.

La récente décision de Sollio de rehausser ses primes pour les producteurs produisant le porc Coop s’est immiscée au Forum stratégique des Éleveurs de porcs le 9 novembre 2023 à Québec. Le 27 octobre dernier, Sollio Groupe Coopératif annonçait en effet une bonification de la prime à ses membres de la filière porcine coopérative.

«Depuis le 30 octobre, la prime a été augmentée de 3 $ par tête à 9 $ pour les éleveurs qui suivent les normes du bien-être animal. Pour les cochons engraissés selon la méthode conventionnelle, la prime a été haussée de 1 $ à 7 $ par tête», explique le journaliste André Dubuc dans un article de La Presse. Ces montants mentionnés par La Presse seraient toutefois erronés, nous mentionne par courriel Anouk Petit, directrice des communications de Sollio Groupe Coopératif, sans toutefois mentionner les primes réellement versées aux membres. Elle écrit que «le montant des primes fait partie d’une entente commerciale qui est connue des producteurs et que nous ne souhaitons pas détailler publiquement. Je ne peux donc vous donner les vrais montants».

Dans son allocution d’ouverture du Forum stratégique, le président des Éleveurs de porcs, Louis-Philippe Roy, en a fait mention après avoir présenté le thème du Forum stratégique, « Gestion des risques : s’adapter pour un avenir meilleur », et présenté la détermination des éleveurs qui souhaitent repartir du bon pied et travailler à rebâtir les ponts entre les membres de la filière porcine. 

À lire aussi

Les bovins de race Highland sont des animaux extrêmement résistants au froid, mais ils ont du mal à supporter la chaleur estivale.

Des haies brise-vent pour lutter contre la chaleur 

La ferme WB a planté des haies brise-vent qui, à maturité, procureront de l’ombre à leur troupeau de vaches Highland lors des journées chaudes d’été. Cette initiative a été rendue possible grâce à l’expertise et au financement d’ALUS Montérégie. 

« Je trouve dommage la décision du mouvement coopératif Sollio de bonifier son programme porc Coop, mais en même temps, je comprends très bien la décision, a dit Louis-Philippe Roy. Je comprends qu’ils veulent aider leurs producteurs. On est là pour ça, nous, également. Et ça, je le comprends. Mais en même temps, je n’ai pas de frustration – et ça, je veux que vous le compreniez – mais de la déception. Une déception parce que la restructuration de la production, on l’a tous faite. On a tous mis de l’argent sur la table. On a signé une convention à rabais pour rebâtir l’industrie et aujourd’hui, cette décision-là de Sollio, c’est un manque réel d’équité entre les producteurs. »

Le ministre André Lamontagne a été questionnné sur le sujet par un éleveur de porcs. « Dans le contexte qu’on traverse actuellement, il y a certainement lieu de s’interroger par rapport à ça », a-t-il dit. Il a ajouté que cette situation devra être abordée dans le cadre des discussions à venir sur la filière porcine québécoise.

Le sujet est revenu sur la sellette durant la période de questions de l’après-midi pendant laquelle les producteurs étaient invités à parler des sujets abordés durant la journée. Le producteur Mathieu Pilote a défendu la décision de Sollio en expliquant que la production du porc Coop vient avec un cahier de charges et que les coûts d’alimentation ont augmenté. Alors que l’animation de la période de discussion était assurée par Pierre Rhéaume, le président Louis-Philippe Roy est alors monté sur scène et y est resté jusqu’à la fin de la période de discussion. Il a rappelé que ce qui dérange, c’est la notion d’équité entre les éleveurs. 

Le lendemain, en assemblée semi-annuelle des Éleveurs de porcs, le président-directeur général d’Olymel, en majorité propriété de Sollio Groupe Coopératif, Yanick Gervais, a été interpellé sur le sujet durant la période de questions. Il s’est dissocié de la décision de Sollio. « Sollio est actionnaire majoritaire d’Olymel […], mais après ils ont le loisir de faire les ajustements qu’ils veulent pour la filière – et je ne fais pas l’émissaire de Sollio là-dedans – mais c’est une filière ouverte et c’est un modèle d’affaire qui leur appartient », a-t-il répondu. « Mais je comprends votre processus d’équité. Ce qu’on a déposé comme concept d’équité, du côté d’Olymel, c’est de dire, si on fait de l’argent à la hauteur qu’on aura réussi à investir dans nos usines – […] il faut aller vers l’intelligence artificielle, la vision et autres – et bien, on va partager ce qu’il va se créer. Pour l’instant, il ne s’en est pas créé. »

Mieux gérer les risques

La gestion des risques a tout de même été le sujet principal de la journée. La conférence de Daniel-Mercier Gouin, agroéconomiste bien connu et professeur à la retraite, a été particulièrement appréciée. Il a brossé un portrait de l’historique du plan conjoint des Éleveurs de porcs. Démarré en 1971, les démarchent ont abouti en 1989 avec la mise en place de l’encan électronique. Il a mis en garde d’un éventuel démantèlement en disant que si le plan conjoint était rejeté, il ne serait pas possible de le remettre en place. Il a aussi insisté sur l’importance que les éleveurs d’un côté et les transformateurs de l’autre aient des activités profitables. Il a terminé en refusant de dire quoi faire faire aux Éleveurs de porcs, mais il a recommandé de s’asseoir avec les transformateurs et de négocier. Selon lui, le plan conjoint a toujours son utilité, malgré le quasi-monopole d’Olymel. En cas de litige devant la Régie des marchés agricoles, ce n’est pas le rapport de force qui compte, mais la force des arguments présentés. 

Un panel de producteurs de porcs de France, d’Espagne et d’Ontario a aussi soulevé de l’intérêt. Le producteur français Patrice Drillet a expliqué que la filière dont il a été président, Cooperl, produit selon différents cahiers de charges. Il y a notamment du porc non castré, du porc sans antibiotique, du porc bien-être… « On essaie de faire un cochon qui correspond à un consommateur », a-t-il dit. Les demandes des consommateurs évoluent, ils ont donc diversifié l’offre de produits. « On demande constamment aux éleveurs de s’adapter », a-t-il dit. Le prix est actuellement bon en France, mais Patrice Drillet craint l’entrée de la peste porcine africaine qui n’est qu’à 40 km de la frontière française. 

Jaime Chico, président d’Agroalimentaria Chico S.L. et éleveur de porcs en Espagne, Patrice Drillet, ancien président de Cooperl et éleveur de porcs en France, et Amy Cronin, présidente de la Commission de commercialisation des produits agricoles de l’Ontario et éleveuse de porcs en Ontario, ont pris part à un panel animé par Renaud Sanscartier, conseiller stratégique à la direction générale des Éleveurs de porcs du Québec. photo: Capture d’écran Les Éleveurs de porcs du Québec

Le producteur espagnol Jaime Chico a expliqué que le principal défi est le prix payé aux producteurs. Les consommateurs espagnols ne regardent pas la qualité du produit. Pour cela, les producteurs sont forcés d’être productifs. Le secteur manque de main-d’œuvre puisque les gens s’y désintéressent. De son côté, l’entreprise d’Amy Cronin produit en Ontario et aux États-Unis. Elle a expliqué que la situation ressemble davantage à ce qu’on vit au Québec. Elle parle de l’importance de la communication et de l’amélioration continue. Dans son entreprise, ils ont aussi travaillé sur l’amélioration des conditions de travail, pas seulement du salaire, mais de l’environnement de travail. Ses quatre enfants démontrent de l’intérêt dans l’entreprise, mais ils ont comme philosophie de leur demander d’ajouter de la valeur à l’entreprise s’ils veulent prendre leur place.

En soirée du 9 novembre, un hommage a été rendu au producteur de porcs David Duval, président des Éleveurs de porcs pendant six ans jusqu’en juin dernier.

À lire aussi:

Les producteurs de porcs recevront 55 M$

Porc : Louis-Philippe Roy veut rebâtir les ponts

Les producteurs de porcs cherchent des solutions

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.