Des stratégies alimentaires pour réduire le méthane des vaches laitières

Publié: 27 janvier 2023

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Plusieurs stratégies alimentaires sont à l'étude pour permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment le méthane.

Pour atteindre l’ambitieux objectif de devenir carboneutre en 2050, les Producteurs laitiers du Canada, devront miser sur les stratégies alimentaires. C’est que dans le cycle de vie des fermes laitières, près de 50% des émissions de gaz à effet de serre provient du méthane d’origine entérique, principalement dans le rumen. 

« On comprend pourquoi c’est à ce niveau qu’on doit intervenir pour réduire les émissions de méthane par l’élevage des ruminants et dans ce cas, l’élevage de bovins laitiers », expliquait le chercheur Chaouki Benchaar d’Agriculture et Agroalimentaire Canada lors du Symposium scientifique virtuel du Centre de recherche et de développement de Sherbrooke le 24 janvier 2023. 

Les stratégies alimentaires sont liées au contrôle des populations bactériennes dans le rumen. Celles-ci produisent des acides gras volatiles (AGV) qui sont source d’énergie pour l’animal, mais qui ont comme conséquences de produire du méthane. En effet, plus la concentration de propionate, un AGV, augmente, moins l’animal émet du méthane. L’inverse est vrai. Mais aussi, plus il y a de propionate, moins il y a d’acétate. Et s’il y a plus d’acétate, il y a moins de propionate. Donc, en contrôlant ces deux AGV, on peut contrôler l’émission de méthane par les vaches.

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Fourrages

En remplaçant une partie de l’ensilage d’herbe par de l’ensilage de maïs ou de l’ensilage d’orge (utilisée dans l’Ouest canadien), on apporte plus d’amidon, ce qui génère moins de méthane. Cela apporte aussi plus de nutriments et donc une amélioration de la productivité de l’animal. « Donc, on a moins de méthane par unité de lait », dit Chaouki Benchaar. 

Les légumineuses contribuent aussi à diminuer les émissions de méthane, comparativement à l’herbe, puisqu’elles ont moins de fibres. De plus, elles apportent plus de nutriments, ce qui accroît la production laitière. « Mais attention à la maturité de la légumineuse », met en garde le chercheur.

La qualité des fourrages a bien sûr un effet sur les émissions de méthane. Ils doivent être récoltés à un stade optimal pour réduire les émissions de méthane et augmenter la production laitière.

Ajout de lipides

L’ajout de gras à la ration, en particulier les gras insaturés a un effet bénéfique sur les émissions de méthane, parce que le gras a un effet négatif sur les microorganismes responsables de la méthanogénèse (création de méthane). L’ajout de gras a cependant l’inconvénient de générer des coûts supplémentaires, en plus d’affecter la synthèse de gras du lait et la digestion des fibres. Toutefois, l’ajout de drèche de distillerie qui contient 16% de gras a eu un effet bénéfique sur l’ingestion de matière sèche, de production laitière et de diminution du méthane.

Effets sur les fumiers

Les travaux de recherche ont toutefois démontré que ces réductions d’émissions de méthane par ces stratégies ont été annulées par une augmentation du méthane dans le fumier. Des chercheurs ont voulu savoir s’il était possible de produire plus de biogaz à partir de ces fumiers et ils ont découvert que oui, du même ordre que la quantité de méthane supplémentaire dans le fumier. « Ça montre que la biodigestion peut être aussi une option pour réduire les émissions de méthane sur les fermes laitières », explique Chaouki Benchaar.

Il ajoute que toute action visant la réduction de méthane ne doit pas se faire au détriment de d’autres gaz à effet de serre, tels le protoxyde d’azote et le CO2. 

Ajout d’additifs alimentaires

De nombreux additifs alimentaires ont un effet sur la méthanogénèse. De ceux-là, le 3-NOP a une grande popularité. Ce produit bloque la production de méthane. Il est très efficace. Par contre, le coût paraît élevé et il ne fait pas augmenter la production laitière. De plus, ce produit n’est pas encore approuvé par Santé Canada. Donc, il n’est pas disponible. Et puis, est-ce que ce produit de synthèse passera l’étape d’acceptation sociale?

Utilisation des algues marines

Une recherche sur des algues rouges a démontré un effet inhibiteur sur la production de méthane. Toutefois, cela s’accompagne par une réduction de l’ingestion et conséquemment de la production laitière. De plus, l’utilisation de ces algues n’est pas approuvée. C’est aussi un produit cancérigène à de fortes concentrations et c’est très dispendieux. En plus, ce n’est pas natif du Canada. Il faudrait donc identifier des algues canadiennes qui pourraient avoir le même effet inhibiteur de production de méthane. L’importation de ce type de produit aurait un impact négatif sur l’empreinte carbone.

Combinaison de stratégies alimentaires

L’addition de deux stratégies alimentaires peut avoir un effet plus important sur la réduction de méthane, comparativement à l’utilisation de chacune de ces deux stratégies.

Dans tout ce processus d’adoption de stratégies alimentaires, Chaouki Benchaar insiste sur l’importance de refaire l’analyse du cycle de vie pour s’assurer des effets bénéfiques globaux.

Sur le même sujet: Vaches laitières: Comment réduire le méthane? et Sélectionner les vaches selon les émissions de méthane

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.