Chaque mois, le magazine du Bulletin des agriculteurs choisit une personnalité du monde agricole et agroalimentaire inspirante et publie une chronique pour la faire connaître davantage. La récolte de petits fruits a démarré dans la province, Le Bulletin a choisi Natacha Lagarde, productrice de camerises, de bleuets et de framboises. En primeur. On vous présente la chronique en ligne.

Bien qu’elle n’ait pas prévu faire carrière en agriculture, Natacha Lagarde est sans doute l’une des agricultrices les plus déterminées. Impliquée au sein des Agricultrices de Chaudière-Appalaches, copropriétaire des Sucreries DL et de la Ferme des cent acres de Lac-Etchemin, elle mérite amplement son titre!
« Fardoche était le seul fermier que je connaissais », dit-elle à la blague. Native de Sept-Îles sur la Côte-Nord, où les minières et les manufactures dominent, elle avait choisi naturellement de se diriger en génie industriel au Cégep de Lévis. C’est son conjoint, spécialisé en automatisation d’érablières, qui l’introduit au secteur. « Je ne connaissais pas ça une érablière, je lui posais des questions. Il ne pouvait pas vraiment m’amener avec lui chez un client, alors j’en ai trouvé une à vendre et ai demandé à aller la visiter », raconte-elle.
Le couple visite l’érablière en novembre 2009 et conclut l’achat en février 2010. « J’ai eu un coup de cœur et… 53 pieds de naïveté, je ne savais vraiment pas ce qui m’attendait », avoue Natacha qui avait alors deux jeunes enfants. Au début, le couple travaille la semaine, se rend à l’érablière les fins de semaine et apprend les rouages du métier. « S’il y avait eu un livre L’érablière pour les nuls, on l’aurait lu », rigole-t-elle, admettant qu’il y a eu des erreurs.
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Dès 2011, le sirop et les produits transformés de l’entreprise sont écoulés notamment à l’aide d’une plateforme en ligne. À partir de 2015, la sucrerie a aussi une présence sur les réseaux sociaux. Si bien qu’une clientèle très diversifiée provenant aussi bien du centre-ville de Montréal qu’en Alberta ou sur la Côte-Nord est desservie. « Ici en Beauce, toutes les familles ont une cabane, je me suis dit qu’il fallait rendre accessible le sirop aux gens qui n’en ont pas », explique-t-elle. En 2021, les produits issus des 4500 entailles ont tous été écoulés à travers différents canaux développés par l’entreprise.
En 2017, la production de camerises s’ajoute à celle du sirop, puis celle de framboises et de bleuets en 2021 grâce à une occasion d’affaires hors du commun. « Un producteur avait des plants de bleuets à vendre. Mais les 1700 plants devaient être déménagés. Personne n’avait jamais déménagé autant de plants », se rappelle Natacha. Autre difficulté : pas assez de sol est déboisé pour accueillir tous ces plants.
Loin de se laisser décourager, l’agricultrice décide même que c’est l’occasion parfaite pour concrétiser un rêve qu’elle chérit depuis longtemps : avoir sa boutique à la ferme. Demandes de permis, déboisement, construction de la boutique, déménagement des plants s’ensuivent… « Au printemps 2021, il a mouillé tout le long. On n’était pas capable de rentrer avec le tracteur dans les champs. On s’est retrouvé à déménager les plants de bleuets en même temps que la construction de la boutique. Finalement, les derniers plants ont été mis au champ, j’ai lavé la vitre de la porte de la boutique, je l’ai ouverte et j’ai dit bienvenue aux clients », raconte-t-elle à bout de souffle.
Malgré tout, cette première saison à la boutique s’est bien déroulée. « Ma vision était de donner accès aux gens d’ici à un commerce de proximité avec des produits du coin, pas seulement les miens, mes produits chouchous aussi. Éventuellement, j’aimerais ouvrir les champs pour des évènements. Je trouve important de redonner l’accès à l’agriculture », croit Natacha.
La boutique permet aussi à l’agricultrice d’éduquer les gens sur la mise en marché de proximité. « Les gens ne sont pas mal intentionnés, ils ne connaissent pas l’agriculture. Il faut leur expliquer pourquoi la canne de sirop coûte ce prix-là, pourquoi les petits fruits d’ailleurs des fois sont moins chers. On a la responsabilité de nourrir les gens, mais eux, ont la responsabilité d’acheter ici pour que nous, on puisse continuer à les nourrir. »
Livre : « Un livre qui m’a marqué et que j’ai relu est Le but (Eliyahu M Goldratt) sur la gestion de production d’une usine. Ça explique plein de choses. Par exemple, il n’est pas nécessaire qu’un employé bouge tout le temps, c’est normal qu’il ne soit pas toujours productif. »
Film : Joy, film inspiré de la vie de Joy Mangano, l’entrepreneure américaine qui a inventé la « Magic Mop ». « Même si le monde lui disait que son invention ne marcherait pas, elle l’a faite. Je suis pareille, si on me dit « tu n’y arriveras pas », je grafigne encore plus fort pour y arriver. »
Citation : « Écoute-les pas, fille, t’es capable! Le nombre de fois que je me dis ça ou que je le dis à mes enfants. Quand je reçois un message plate sur Messenger, je me regarde dans le miroir et je me dis cette phrase-là. »
Personnage : « Ma mère Jeanne Lajoie. Mon père est décédé quand j’avais 11 ans. Elle en a bûché pour être sûre qu’on soit correct mon frère et moi, on n’a jamais manqué de rien. Aujourd’hui, je me dis si elle a été capable de passer à travers tout ça avec ce qu’elle avait, je suis capable de faire plein de choses. »
Cause : « On donne du sirop et du beurre d’érable au comptoir alimentaire L’Essentiel des Etchemins. On a déjà offert une demi-journée d’autocueillette de bleuets. Je trouve ça important qu’ils reçoivent des produits l’fun, pas juste des aliments de base comme de la farine. Ça me tient vraiment à cœur que les gens puissent bien se nourrir. »
Vision de l’agriculture : « Je ne crois nullement à de l’agriculture qui stagne. C’est sûr et certain qu’on va avoir à évoluer sur le plan de la main-d’œuvre et de l’environnement entre autres. Il va falloir se poser des questions. On ne changera pas juste parce que le consommateur le demande, car il ne comprend pas toujours les conséquences de ses demandes ou comment l’agriculture fonctionne. Éduquer la population est la base. »
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