La multirésistance des mauvaises herbes augmente au Québec

Publié: 21 mars 2025

La multirésistance des mauvaises herbes augmente au Québec

Depuis 2011, le MAPAQ mène des tests pour traquer les mauvaises résistantes aux herbicides. Ce qui en ressort après 13 ans et plus de 2000 tests? C’est que la multirésistance d’herbicides augmente, avec plusieurs catégorie de produits maintenant concernés « ce qui va limiter les outils disponibles au niveau des herbicides pour les producteurs agricoles », indique David Miville, agronome-malherbologiste au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP). En 2024, 53% des échantillons analysés faisaient état d’une telle condition.

La situation est probablement sous-estimée, comme le rappelle régulièrement l’équipe du LEDP dans ses rapports, puisque le dépistage dépend des échantillons qui leur sont envoyés. Le laboratoire du Québec est cependant un des endroits qui teste le plus au Canada et aux États-Unis, ajoute l’expert.

Trois mauvaises herbes trônent au palmarès de la multirésistance. La plus répandue est la petite herbe à poux. Elle peut développer rapidement de la résistance aux groupes d’herbicides. En 2024, l’amarante tuberculée représentait 38% des cas de multirésistance, malgré le fait que son apparition au Québec soit relativement récente. La troisième est la vergerette du Canada, une annuelle d’automne qui privilégie les champs en semis direct. Elle a développé dans les dernières années des résistances aux groupes 2 et 9.

À lire aussi

Avaloirs inondés en juillet 2023.

Inondation dans les champs: quoi faire selon les cultures

La pluie a causé des siennes dans plusieurs régions mais avant de s’inquiéter, le RAP rappelle quelques informations et conseils sur ce type de situation.

Le MAPAQ n’a pas en main le pourcentage des superficies des terres agricoles affectées par la multirésistance aux herbicides. On sait toutefois que trois régions semblent plus touchées, soit la Montérégie, le Centre-du-Québec, ainsi que Lanaudière-Laurentides. Si les cas semblent moins importants ailleurs, il faut faire attention aux chiffres, mentionne David Miville, puisque peu de tests proviennent des autres régions du Québec. Est-ce par le fait que les grandes cultures y soient moins importantes, ou que les tests soient méconnus? Difficile de répondre à la question, mais cela laisse croire que le portrait actuel n’est pas fidèle à la situation, indique l’expert.

Le soya figure largement en tête des cultures où on retrouve le plus de résistance. Le malherbologiste explique que cela vient probablement du fait que la culture est très répandue au Québec, tout en étant plus facile à dépister pendant une période plus grande de croissance, surtout si on la compare au maïs-grain.

Prévention et prudence

David Miville déclare qu’environ de 60 à 70 % des échantillons testés par le LEDP s’avèrent positifs à une résistance, comme quoi les doutes des producteurs et des conseillers agricoles sont souvent fondés.

La voie d’entrée des principales mauvaises herbes est connue. On sait maintenant que l’amarante tuberculée a été introduite par une batteuse-moissonneuse achetée aux États-Unis. La machinerie demeure le moyen le plus fréquent d’introduction dans les champs pour la mauvaise herbe. La vergerette du Canada voyage, quant à elle, par le vent et peut se propager sur plusieurs kilomètres. La moutarde des oiseaux est, comme son nom le dit, propagée par la faune ailée.

Plusieurs signaux indiquent qu’une résistance s’est probablement installée, déclare le malherbologiste. Ces signes sont visibles après l’application, d’où la nécessité de marcher les champs et de faire du dépistage, tels que voir une mauvaises herbe qui n’est pas contrôlée, alors que les autres ont été détruites, une présence aléatoire qui ne semble pas liée à une buse bouchée sur l’applicateur, une différence dans la toxicité dans la plante après l’application qui va aller dans tous les spectres, ainsi qu’une mauvaise herbe qui ne semble plus être contrôlée avec les herbicides. Si on utilise le même herbicide année après année, une inspection est de mise.

Afin d’éviter l’entrée de mauvaises herbes dans ses champs, la prévention est le meilleur moyen, plaide David Miville. Il rappelle que les semences de petites herbes à poux peuvent demeurer actives dans le sol pendant 30 ans, une période qui augmente à 50 ans pour le chénopode. Les mesures préventives peuvent s’effectuer sur plusieurs fronts, en commençant par utiliser d’autres groupes d’herbicides, ou bien par la régie avec des rotations plus longues et des cultures de couverture. « En général, la mauvaise herbe s’adapte à la régie. C’est très rare de voir plusieurs mauvaises herbes résistantes dans un même champ. En quatre ans, j’ai vu une fois un champ infecté par quatre mauvaises herbes résistantes », dit le spécialiste.

David Miville recommande également de porter une attention particulière aux moissonneuses-batteuses, au premier tour dans le champ. Cela veut aussi dire de faire attention de ne pas propager les mauvaises herbes par les bottes, les pneus ou les fumiers.

Des tests gratuits

Si on soupçonne des mauvaises herbes résistantes, on peut envoyer au printemps des échantillons avant l’application d’un herbicide, ou une à deux semaines après une application dans un champ. Chaque échantillon testé en coûte 80$ au producteur, mais un même test peut être testé pour différentes résistances. Les tests pour l’amarante tuberculée sont gratuits, une mesure qui a été instaurée afin d’évaluer le mieux possible le problème causé par la mauvaise herbe depuis sa détection au Québec.

Les résultats des tests moléculaires effectués par le LEDP sont disponibles en quelques jours. En saison, il suffit d’envoyer un plant comprenant dix feuilles dans un sac en plastique refermable, de type Ziploc. Le malherbologiste recommande d’envoyer l’échantillon en envoi accéléré et en début de semaine, afin d’éviter qu’il passe la fin de semaine à la poste.

Pour les tests classiques menés par le CÉROM, il faut faire parvenir 1000 graines qui seront testées dans les serres et aspergées afin de vérifier leur résistance. Dans ce cas, les résultats seront connus en mars et avril suivant.

Sur le radar de l’équipe de malherbologie

Pour les prochaines années, l’avancée de la multirésistance dans les principales mauvaises herbes sera surveillée, mais l’équipe de malherbologie a aussi dans son radar les mauvaises herbes dans les cultures de pomme de terre et de maïs sucré. « On soupçonne que le chénopode est grandement sous-estimé dans ces cas. »

Les malherbologues auront aussi à l’œil une super mauvaise herbe, l’amarante de Palmer. « Elle est très agressive et très résistante. Elle cause beaucoup de dommages et elle se trouve à la frontière avec les États-Unis. »

En cas de doute, David Miville encourage fortement de faire tester les populations en cause, puisque 70% des cas s’avèrent résistants. « Il vaut mieux prévenir et effectuer une surveillance. »

À lire aussi :

Trois nouvelles mauvaises herbes résistantes au Québec

L’amarante tuberculée, de nouveau en haut de liste des mauvaises résistantes au Québec

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.