Une équipe d’entomologistes a recensé la présence d’un insecte dans un champ du Québec, à Saint-Mathieu-de-Beloeil plus précisément. Il s’agit de la première mention d’Agriotes sputator au Québec, une espèce de taupin/ver fil-de-fer qui sera à surveiller dans les prochaines années.
« L’adulte n’est pas dommageable pour les cultures, mais les larves (ver fil-de-fer – VFF) peuvent l’être. Agriotes sputator est considéré comme un ravageur important en Amérique du Nord, notamment dans les provinces de Nouvelle-Écosse et sur l’île-du-Prince-Edward où l’insecte fait des dommages dans la pomme de terre », explique Julien Saguez, entomologiste au Centre de recherche sur les grains (CÉROM), qui ajoute que la présence confirmée de l’insecte a de plus grandes conséquences. « Les larves (VFF) sont très polyphages et peuvent s’attaquer à plusieurs cultures. Cette espèce est en effet connue comme étant notamment nuisible pour les céréales, le maïs, les betteraves, le tournesol, les pommes de terre, etc. »
Les larves vivent dans le sol pendant quatre à cinq ans et progressent à travers un nombre variable de stades en se nourrissant des racines des plantes, des graines et des tiges.
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C’est grâce à la capture d’insectes adultes qu’il a été possible de confirmer qu’il se trouvait bel et bien au Québec, ce qui démontre également qu’il a pris de l’expansion depuis son introduction au Canada, dont la première mention remonte à 1939 au Nouveau-Brunswick. La capture durant deux années consécutives indique de plus que la population d’Agriotes sputator est bien établie et prend de l’expansion.
Selon l’équipe de chercheurs, les conséquences de la présence de cet insecte sont nombreuses. L’article relatant les démarches ayant menées à cette découverte cite trois impacts, dont le remplacement possible de l’espèce locale de taupin par ce nouveau venu. Étant de la même famille, il serait aussi possible d’utiliser les mêmes phéromones pour capturer et tracer la présence de l’insecte.
La conséquence la plus importante est sans aucun doute l’impact sur les cultures. « En Europe, c’est un des ravageurs principaux dans les céréales, le maïs et la pomme de terre. Il n’est pas rare d’observer des pertes de rendements pouvant aller jusqu’à 25%. Si l’espèce s’installe au Québec, on pourrait donc avoir des risques de dommages importants », déclare Julien Saguez. À l’Île-du-Prince-Édouard où il est établi, il est responsable de la perte de rendements dans les pommes de terre.
La présence de ce taupin pourrait être aussi un indicateur que d’autres espèces dommageables pourraient être introduites et se retrouver sur notre territoire, ce qui pourrait représenter une menace tangible pour les cultures, selon Julien Saguez. « Il va donc être important d’accroître les efforts de surveillance, afin de mieux documenter la distribution de cette espèce et d’identifier des méthodes de lutte adaptées et efficaces. Il va nous falloir également développer des outils (en plus des pièges à phéromones) pour confirmer rapidement l’identification de l’espèce. »
Un symposium, co-organisé par Julien Saguez, doit d’ailleurs avoir lieu en novembre prochain à Vancouver avec une trentaine de spécialistes pour discuter de l’ensemble de ces sujets.