L’automatisation des abattoirs ne règlera pas la pénurie de main d’œuvre

La mécanisation et la robotisation change la nature du travail en usine

Publié: 10 octobre 2021

Dans l'usine d'Olymel à Saint-Damase, un robot sélectionne et place de poitrine de poulet dans des barquettes.

La mécanisation et la robotisation dans les abattoirs et les usines de surtransformation des viandes ne visent pas nécessairement à réduire le nombre d’employés. En fait, ces modernisations transforment la nature des emplois, ce qui nécessite de la formation. Le travail pour les employés devient moins exigent physiquement, mais nécessite des compétences qui ne l’étaient pas dans le passé.

Vice-président ingénierie et gestion de projets chez Olymel, Marco Dufresne connaît bien le sujet de la mécanisation et de la robotisation des usines de la société. En fait, c’est son quotidien. Son travail est d’introduire des nouvelles façons de faire dans les 40 établissements au Canada, 29 au Québec. Ces établissements incluent la première transformation, la surtransformation et la distribution.

La pandémie a accéléré les besoins de modernisation des façons de faire. Le manque de main d’œuvre, déjà présent avant la pandémie, est devenu plus criant. Certains employés devaient s’absenter pour des périodes de deux semaines en raison de la COVID-19. Des postes de travail ont dû être revus pour distancier les travailleurs. Et puis, il y a eu les grèves dans deux abattoirs, dont un d’Olymel.

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Suite à ces grèves, le professeur Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université de Dalhousie, évoquait que le secteur de l’abattage devait accélérer le virage numérique et l’automatisation dans les usines s’il voulait éviter d’autres grèves.

Marco Dufresne explique que la mécanisation et la robotisation ne peuvent pas remplacer complètement les employés. Lorsque des travaux permettent d’automatiser certains opérations, les employés qui faisaient ces tâches travaillent toujours pour l’entreprise, mais à d’autres tâches, car il faut quand même beaucoup d’employés dans les usines.

« L’automatisation, ça fait partie de la solution à la pénurie de main d’œuvre, mais ce n’est pas LA solution », explique Marco Dufresne. Il souligne notamment que le creux de la vague en terme de pénurie de main d’œuvre va se faire ressentir pendant encore plusieurs années, puisque les babyboomers n’ont pas tous pris leur retraite. À ce niveau, il note que les entreprises vont devoir innover, mais pas seulement dans le secteur de l’abattage. « Et l’automatisation, ça l’a ses limites. Ce n’est pas quelque chose qui règle tous les problèmes », ajoute-t-il.

Un exemple d’automatisation dans les usines est l’anesthésie au CO2 qui est aujourd’hui présente dans presque tous les abattoirs d’Olymel, sauf les deux plus petits abattoirs, mais ce n’est qu’une question de temps. Cette action a un impact important sur le bien-être animal, mais c’est aussi une automatisation d’une action qui était extrêmement manuelle. Aujourd’hui, des barrières automatisées poussent les porcs vers les différentes étapes auxquels ils doivent passer et dans la volaille, les cages se déplacent.

En fait, en terme d’automatisation, Marco Dufresne fait la distinction entre la mécanisation et la robotisation. En robotisation, il y a des bras robotisés avec des outils ou des scies à l’extrémité, alors qu’en mécanisation, c’est, par exemple, simplement des scies fixées à un endroit et la carcasse se fait découper en passant à cet endroit.

Il est plus facile d’implanter la mécanisation dans le secteur de la volaille puisque les carcasses sont plus petites et qu’il y a moins de muscles. Dans le porc, il y a plus de muscles qui se touchent et plus de variation dans les carcasses. « Donc, ça prend plus de précision pour les séparer. C’est pourquoi ils utilisent davantage la robotisation dans le porc et la mécanisation dans la volaille », explique Marco Dufresne.

La robotisation demande de plus grandes habiletés de la part des employés d’entretien et des opérateurs que la mécanisation qui est beaucoup plus simple. Il faut donc former les employés qui travaillent souvent depuis de nombreuses années dans l’entreprise. « C’est pour ça qu’on fait la distinction (entre mécanisation et robotisation) parce que ça l’a un grand impact ensuite sur la façon d’opérer », explique Marco Dufresne. Et puis, la pénurie de main d’œuvre est encore plus grande dans les métiers techniques, comme la robotisation.

Une autre difficulté est qu’Olymel travaille avec des usines qui existent depuis de nombreuses années. Des travaux de modernisation ont eu lieu au fil des années, mais les usines ne sont pas toutes rendues au même niveau d’automatisation. Tous les équipements, que ce soit en mécanisation ou en robotisation, doivent répondre aux exigences de nettoyage de l’entreprise et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ce qui explique les coûts très élevés de modernisation.

Dans le secteur de la volaille, la plus avancée est celle de Saint-Damase pour laquelle Olymel vient d’investir 32 millions de dollars, en plus de 30 millions de dollars injectés il y a quelques années.

Précédemment, à Saint-Damase, il n’y avait qu’un abattoir. Une section de surtransformation a été ajoutée, ce qui était fait dans une autre usine avant. Dans l’usine de Saint-Damase, on retrouve à la fois de la mécanisation et de la robotisation. Par exemple, des bras robotisés placent les poitrines dans les barquettes de styromousse. « Le seul travail que fait l’humain, c’est de placer les morceaux pour que ça ait un look visuel plus beau », dit Marco Dufresne. Le contrôle de qualité est aussi automatisé par de l’analyse intégrée de données. C’est de l’intelligence artificielle. Les recettes de préparations sont toutes intégrées dans l’ordinateur et les robots s’ajustent automatiquement. Cependant, la mise en palettes n’est pas encore automatisée. Lorsque le rodage sera terminé, l’usine roulera à 15 000 poulets à l’heure. Un grand avantage de faire l’abattage et la surtransformation sur un même site est la plus grande facilité de maintenir la ligne de froid du début à la fin.

Dans la nouvelle section d’emballage de l’usine d’Olymel à Saint-Damase lors du démarrage en septembre 2021. photo: Olymel

L’usine la plus moderne du côté du porc est celle de Yamachiche. De 2017 à 2019, quelque 180 millions de dollars ont été investis dans cette usine lors de l’achat de Atrahan et de la fusion avec Lucyporc.

Pour l’avenir, Marco Dufresne s’intéresse à la vision industrielle. C’est-à-dire que des caméras remplaceront des humains pour faire de l’inspection visuelle dans les usines. Avec l’intelligence artificielle, une caméra apprend ce qu’elle doit regarder. Olymel investit beaucoup dans ce secteur. À titre d’exemple, dans l’usine de Princeville, Olymel vient de terminer l’installation pour l’inspection des flancs de porc.

Une caméra évalue les flancs de porc pour effectuer la sélection pour la production de bacon. photo: Olymel

Alors, oui, il se fait de l’automatisation dans les usines d’abattage. Toutes les usines ne sont pas aussi avancées, mais des travaux de modernisation sont en cour et d’autres viendront.

« Si demain, il n’y avait pas de pénurie de main d’œuvre, il faut continuer l’automatisation. Ça permet la croissance des entreprises sans être obligé d’agrandir une usine », explique Marco Dufresne. 

Mais entre-temps, Olymel continuera d’embaucher des travailleurs pour combler les besoins de main d’œuvre. Pour cela, l’annonce en août dernier de hausser le pourcentage de travailleurs étrangers temporaires par les entreprises est vu d’un bon oeil, des travailleurs qui, une fois à l’emploi d’Olymel, demandent souvent une résidence permanente.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.