L’année 2025 selon Financement agricole Canada

Les prix des céréales sur les marchés sont loin de leurs sommets des dernières années

Publié: il y a 48 minutes

L’année 2025 selon Financement agricole Canada

Financement agricole Canada (FAC)a présenté une mise à jour économique faisant le tour de la situation au Canada lors d’un webinaire le 18 septembre 2025.

Jean-Philippe Gervais, vice-président exécutif et économiste en chef à FAC, a déclaré d’entrée lors de la présentation: l’année s’est déroulée à la vitesse de l’éclair depuis le 1er janvier, les événements se succédant les uns après les autres au fil des semaines. Pour ce bilan, il était accompagné de Krishen Rangasamy, directeur aux Services économiques. Ils ont ensemble fait un tour de table économiques et des principaux secteurs agricoles et agroalimentaires canadiens.

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La guerre commerciale laisse des traces sur l’économie canadienne, bien que la majorité des biens produits ici (100% en agriculture et 97% en agroalimentaire) sont exemptés des tarifs américains dans le cadre de l’Accord Canada, États-Unis, Mexique (ACEUM). Le PIB au pays ne devrait croître que de 1,1% en 2025 selon FAC, soit bien dessous de son potentiel. Comme le fait remarquer Krishen Rangasamy, l’économie au Canada stagne trois ans avec une croissance de moins de 2%, ce qui laisse sous-entendre que des problèmes structurels affectent la performance de l’économie.

La décroissance démographique et le manque de productivité des entreprises sont pointés du doigt. À ce chapitre, la loi C-5 visant à stimuler l’économie par des investissements en défense et dans les infrastructures est bien vue puisqu’elle pourrait encourager les investissements privés. Par exemple, une modernisation des ports devrait encourager les échanges commerciaux, bien qu’il faille attendre un certain temps avant d’en voir les effets.

FAC prévoit d’autres baisses des taux d’intérêt lors des prochaines rencontres de la Banque du Canada en octobre et en décembre afin de contrer le ralentissement économique, pour en arriver à 2% de taux de base. La banque centrale dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour y arriver avec une inflation sous contrôle.

La hausse des salaires est aussi à son plus bas depuis 2021. Il faut toutefois s’attendre à ce que les taux à long terme et hypothécaires demeurent élevés puisqu’ils sont liés aux bons du Trésor américain. Avec une économie chauffée par l’inflation et marquée par l’incertitude, les taux devraient demeurer plus élevés aux États-Unis.

Le dollar, quant à lui, peine à bénéficier au recul de la devise américaine, surtout quand on le compare aux monnaies étrangères. La faiblesse de l’économie canadienne est en cause. Le huard devrait donc demeurer faible dans les 12 prochains mois, soit entre 0,72 et 0,74 $US, estime Krishen Rangasamy. En contrepartie, une baisse de 10% de la valeur du dollar canadien équivaut à des gains de 6% pour le secteur agricole, , tout en améliorant la compétitivité des biens canadiens à l’étranger, explique Jean-Philippe Gervais.

Les grandes cultures

Les prix des céréales sur les marchés sont loin de leurs sommets des dernières années. Les recettes agricoles dans le secteur s’en sont ressenties et ont reculé de près de 10%. Les prix demeurent faibles en raison de l’offre abondante et devraient le rester puisqu’une récolte record de maïs est prévue ainsi qu’un rendement record pour le soya aux États-Unis.

« Les prévisions de prix pour le maïs et le soya sont dans le bas de la fourchette de cinq ans et il n’y a pas beaucoup d’espoir de voir ces prix s’apprécier », selon Jean-Philippe Gervais. La Chine, qui a un poids important sur la demande internationale, fait reposer une incertitude sur le marché des oléagineux. C’est le cas du canola canadien sur lequel un tarif de 75% est imposé par la Chine, tout comme le soya.

Le prix des engrais a augmenté durant l’été, ce qui est inhabituel. La hausse est due à la forte proportion de maïs semé aux États-Unis et à la faible marge entre l’offre et la demande. Cela devrait causer une pression sur la rentabilité dans les grandes cultures l’an prochain, particulièrement dans l’Ouest.

Dans l’Est, la profitabilité devrait demeurer la même si les rendements sont au rendez-vous. Pour cette année, il faudra voir les effets de l’été chaud et sec sur les rendements. Il se pourrait donc que la profitabilité soit inférieure aux prévisions. « L’important est de regarder la tendance, pour l’appliquer à vos propres données, selon votre entreprise », explique Jean-Philippe Gervais.

Les productions animales

L’ensemble des recettes agricoles au Canada pourraient cependant rebondir cette année grâce aux autres secteurs, dont le bovin. On semble entrevoir une possible reconstitution du cheptel bovin. Les inventaires au Canada ont augmenté de 1% pour le premier semestre, la première hausse depuis 2021.

FAC s’attend à ce que les prix demeurent élevés, puisque la situation en Amérique du Nord influence les prix sur l’ensemble du continent. La demande demeure en effet forte, alors que la production est aux prises avec la restriction de la viande bovine mexicaine aux États-Unis et celle du Brésil. Les experts s’attendent à une stabilité pour ce secteur dans la prochaine année puisque les prix de l’alimentation devraient demeurer bas.

La production porcine a affiché une baisse de 1,8% pour le début de 2025, mais la situation est jugée bonne, surtout en considérant les années plus difficiles comme en 2023. Le secteur a enregistré des gains de productivité appréciable au Canada.

La demande étrangère est très importante pour la production canadienne et les tarifs de 25% sur la viande porcine de la part de la Chine ont affecté les ventes durant l’été. Les marchés japonais et sud-coréen sont, par contre, en forte croissance (25%), ce qui augure bien pour le reste de l’année et 2026.

Le secteur laitier connait de fortes augmentations dans certains secteurs, tels que le yogourt et la crème glacée, ce qui influence les différentes classes laitières. Des augmentations de 8% dans certains segments sont jugées très intéressantes, surtout que la population ne devrait pas augmenter cette année. On s’attend à ce que d’autres journées soient attribuées pour la production cet automne pour le P5 en plus des journées déjà accordées.

L’inflation de 1,9% laisse de la place à une augmentation de 1% des prix du lait en 2026. La bonne nouvelle au niveau international est qu’un règlement a été conclu avec la Nouvelle-Zélande. Elle s’accompagne toutefois d’un possible impact sur les contingents ici, mais non sur le beurre. L’ACEUM doit être révisé en 2026 et certaines pressions seront exercées.

Par exemple, les États-Unis ont lancé une enquête sur le dumping de protéines canadiennes sur le marché international, alors que le poids du Canada est minime par rapport aux États-Unis, rapporte Jean-Philippe Gervais. Au niveau des stocks, ces derniers demeurent élevés et des ajustements pourraient être apportés.

Le secteur de la volaille a dû s’adapter en 2024 à l’arrivée du Chili dans l’accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTGP) en 2023. Les importations de l’ordre de 2% ont été intégrées dans le marché, ce qui a demandé des ajustements. FAC prévoit que la production augmentera avec la réduction des stocks et l’arrivée de nouveaux quotas. Avec des coûts en baisse pour les aliments, le secteur semble le plus équilibré entre l’offre et la demande, ce qui sera bénéfique pour les marges des entreprises du secteur.

Les deux économistes ont glissé un mot sur l’industrie agroalimentaire qui semble bien se tirer de la situation actuelle, malgré la baisse des exportations. Une augmentation des ventes est tout de même prévue pour 2026 grâce à la demande des consommateurs qui préfèrent les produits locaux. La tendance pourrait être renforcée par un commerce interprovincial amélioré et un investissement dans les infrastructures pour dépendre moins du marché américain.

L’avenir des tarifs américains

Avec près de 60 milliards de dollars américains de revenus recueillis par les États-Unis grâce aux tarifs, peut-on espérer que le pays renonce éventuellement à cette manne? Avec l’endettement massif et le déficit en hausse du pays, il serait étonnant que l’administration américaine écarte ces revenus pour se renflouer, avance FAC. Si l’économie américaine ralentit trop sous le poids des tarifs, elle pourrait cependant y réfléchir à deux fois, surtout que les élections de mi-mandat auront lieu en 2026.

Messieurs Gervais et Rangasamy évoquent d’autres baisses des taux d’intérêt l’an prochain pour stimuler l’économie canadienne. Le mouvement pourrait s’accentuer si des produits canadiens ne sont plus protégés des tarifs américains dans la foulée de la renégociation de l’ACEUM. Il faudra aussi garder dans la mire les conséquences des décisions commerciales américaines sur le commerce international.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.