Robots agricoles autonomes et leurs possibilités

La capacité à travailler de façon autonome des robots augmente au même rythme que leurs compétences

Publié: 21 décembre 2023

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Robots agricoles Naïo

L’entreprise française NAÏO, leader dans la conception et la fabrication de robots agricoles, a dévoilé en novembre 2023 au dernier salon Agritechnica la technologie qu’elle nomme «?autonomie augmentée?». Dotés de cette nouvelle fonctionnalité, les robots NAÏO pourront travailler au champ plus sécuritairement sans supervision humaine. C’est l’occasion de faire le point sur les enjeux liés aux robots dans les champs.

Le marché mondial de la robotique agricole accélère de façon fulgurante — Data Bridge Market Research prédit un taux de croissance annuel composé de 30 % d’ici 2030. Les robots agricoles terrestres ont d’abord démontré leur efficacité dans le désherbage mécanique : une activité agricole nécessaire qui comporte peu de risques, donc un bon point de départ pour examiner les possibilités de la technologie. Les robots ont graduellement élargi leurs champs de compétences pour inclure le semis, l’épandage et la récolte. Et leur capacité à travailler de façon autonome augmente au même rythme que leurs compétences.

Plus d’autonomie avec moins de supervision est l’objectif ultime — c’est une des promesses de la robotique : réduire le plus possible la dépendance sur la main-d’œuvre humaine. Chuck Baresich, directeur de Haggerty AgRobotics en Ontario, a présenté le 6 décembre aux Journées horticoles de Saint-Rémi un aperçu de ses essais récents avec une dizaine de robots agricoles plus ou moins autonomes. Il a souligné l’évidence que ça n’a aucun sens d’ajouter de la main-d’œuvre humaine pour opérer les robots. Sans nécessairement croire que les robots pourront bientôt se déployer sans aucune supervision humaine, Chuck Baresich pense qu’ils serviront d’abord à multiplier les efforts de l’agriculteur : ce dernier travaillera au champ aux côtés de deux ou trois robots qui accéléreront son travail.

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Au Canada, l’adoption des robots autonomes ne fait que commencer. On sort à peine des essais expérimentaux pour déterminer si les robots sont capables de faire le travail de façon rentable dans le contexte de nos pratiques culturales. C’est donc dire qu’on est loin de laisser les robots travailler seuls; pour l’instant, ils sont utilisés ici sous supervision humaine assez étroite.

Les Européens, par contre, sont beaucoup plus avancés. En matière de capacités technologiques et de rentabilité, les robots semblent répondre aux exigences des producteurs puisque les machines autonomes accomplissent une part de plus en plus importante du travail répétitif, surtout dans les cultures à valeur ajoutée comme la vigne. Pour que l’autonomie des robots continue à se développer avec un minimum d’accrocs, les intervenants du milieu cherchent à définir des cadres réglementaires pour les fabricants et des codes de conduite pour les utilisateurs.

À part l’efficacité et la rentabilité, deux des facteurs dont doivent tenir compte les intervenants de la robotique agricole sont la dangerosité des machines mobiles autonomes et l’acceptabilité sociale de leur utilisation. Même si les robots agricoles sont utilisés sur des propriétés privées dans des localités peu densément peuplées, leur utilisation comporte des risques significatifs — des risques pour les employés de ferme, pour les cultures, pour l’environnement, et pour le public.

L’approche des fabricants de robots est plutôt individuelle : chacun dans sa cour, ils analysent les risques liés à l’utilisation de leurs machines, puis ils développent des moyens technologiques pour les mitiger. Un tel travail en silo mène à une utilisation variable d’un fabricant à l’autre de caméras et de systèmes lidar de détection, de voyants lumineux pour signaler l’état de fonctionnement, d’avertisseurs sonores, de télémétrie de surveillance à distance, de clôtures virtuelles (geofencing) et d’autres systèmes de sécurité.

Des groupes de travail européens, comme celui formé au sein du CEMA (l’association européenne des machinistes agricoles), tentent maintenant d’uniformiser l’approche des fabricants en matière de sécurité. Cédric Seguineau de NAÏO, qui participe au groupe du CEMA, a suggéré dans un webinaire présenté par FIRA le 27 octobre que si les fabricants de robots veulent élargir leur marché, non pas se limiter à la vente aux technophiles (early adopters), ils doivent faire front commun sur les questions de sécurité. Ces groupes de fabricants contribuent aux mises à jour des normes de l’industrie (dont l’ISO/FDIS 18497-4 et l’ISO 25119-1:2018/Amd 1:2020) pour tenir compte des enjeux autour de l’autonomie grandissante des robots agricoles.

Parallèlement, les utilisateurs de robots sont aussi en train de s’organiser. Ils tentent de définir des codes de bonne pratique pour, entre autres, encourager l’acceptabilité sociale de leur utilisation de robots agricoles autonomes. Les précurseurs sont les Australiens : à travers la Society of Precision Agriculture Australia, ils ont publié en 2020 leur Autonomy Code of Practice. Plus récemment, en juin de cette année, la Harper Adams University a doté la Grande-Bretagne du même genre de code.

Au Canada, la question du cadre réglementaire pour l’opération des robots agricoles autonomes reste nébuleuse pour l’instant. Plusieurs intervenants du milieu rencontrés aux Journées horticoles (producteurs utilisant la technologie, chercheurs, fabricants de robots, administrateurs de centres de recherche, représentants du milieu des assurances) ignoraient l’existence ici de conditions formelles d’utilisation des robots agricoles terrestres sans supervision humaine. Si des règles ou des codes existent, ils sont mal connus de la plupart des intervenants.

Entretemps, NAÏO prend de l’avance avec son autonomie augmentée. Il est possible d’acheter les robots de l’entreprise française ici, et Clément Granger, qui représente NAÏO en Amérique du Nord, affirme que leurs machines sont certifiées CE et FCC, répondant à une «?réglementation régissant l’autonomie augmentée de robots agricoles en environnement ouvert qui s’applique aux États-Unis, au Canada, et au Québec?».

À PROPOS DE L'AUTEUR

Frédéric Jean

Frédéric Jean

Journaliste

Frédéric Jean est rédacteur agréé et consultant scientifique pour des projets de recherche et développement. Il développe à travers sa compagnie Canopée des systèmes d’épandage par drone pour la lutte biologique.