Céréales : aliment ou carburant ?

Publié: il y a 16 heures

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D'ici 2034, plus d’un quart des cultures céréalières mondiales ne seront pas destinées à l’alimentation humaine ou animale, selon un rapport.

Alors que la pression augmente sur les systèmes alimentaires mondiaux, un débat bien connu pourrait refaire surface : celui de l’aliment contre le carburant. Selon les Perspectives agricoles 2025-2034 publiées par L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus d’un quart des cultures céréalières mondiales ne seront pas destinées à l’alimentation humaine ou animale d’ici 2034.

En effet, environ 27 % de la production céréalière devrait être détournée vers la fabrication de biocarburants et d’autres applications industrielles. Si le blé et le riz continueront de servir principalement à nourrir les populations, ce n’est pas le cas du maïs : 37 % de la récolte mondiale de cette culture emblématique sera utilisée pour produire des biocarburants ou pour d’autres usages non alimentaires. À elle seule, la fabrication de biocarburants absorbera 15 % de la récolte mondiale de maïs.

La tendance s’observe aussi du côté des huiles végétales. D’ici 2034, seulement 52 % de la production mondiale d’huile végétale sera utilisée pour l’alimentation. Près d’un cinquième (18 %) servira à produire du diesel à base de biomasse, selon les mêmes prévisions de l’OCDE/FAO.

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Marlene Boersch, associée directrice chez Mercantile Consulting Venture, estime que cette répartition pourrait relancer un vieux débat sur la priorisation des ressources agricoles. « Je pense que ce face-à-face va redoubler d’intensité dès que les prix des matières premières se redresseront, parce qu’il y aura un problème de denrées à quelque part », avance-t-elle.

Des prévisions à utiliser avec prudence

Pour l’instant, la question reste en veilleuse. Les prix des matières premières sont orientés à la baisse depuis la mi-juin et la production agricole mondiale semble en mesure de répondre à la demande. Mais l’équilibre reste fragile. « Dès qu’une catastrophe agricole frappera une grande région productrice et que les gens commenceront à parler de pénurie, on remettra sur la table la question de l’usage des récoltes pour les biocarburants », avertit Marlene Boersch.

Errol Anderson, analyste et auteur de Errol’s Commodity Wire sur Substack, reste quant à lui sceptique face aux projections à long terme de l’OCDE et de la FAO. « Honnêtement, quand j’entends ce genre de choses, je ne continue même pas à lire. Tant de choses peuvent changer en un clin d’œil », dit-il. Il souligne à juste titre que ces prévisions reposent sur des variables très mouvantes, comme le prix du pétrole ou les politiques gouvernementales. « On ne sait même pas ce qui se passera dans six mois… Et eux, ils parlent de dans dix ans », dit-il.

Le rapport reconnaît lui-même que les projections liées aux biocarburants comportent d’importants risques et incertitudes, en raison des changements fréquents de politiques, des aléas d’approvisionnement en matières premières et des fluctuations du marché des combustibles fossiles.

La croissance des biocarburants ralentit

Malgré tout, les chiffres avancés restent impressionnants. Et ce, même si l’on prévoit un ralentissement du rythme de croissance des biocarburants pour la prochaine décennie. Selon l’OCDE/FAO, la production et la consommation mondiales de biocarburants n’augmenteront plus que de 0,9 % par an jusqu’en 2035, soit cinq fois moins que le rythme observé au cours des dix dernières années.

Cette décélération s’explique par un recul des politiques de soutien dans les pays développés et une baisse de la consommation globale de carburant. L’Agence internationale de l’énergie prévoit d’ailleurs que la demande mondiale en carburants de type essence reculera de 0,8 % par an d’ici 2035, sous l’effet combiné de l’électrification du parc automobile, des gains en efficacité énergétique et d’une concurrence accrue dans le secteur pétrochimique.

Malgré cette évolution, l’industrie des biocarburants continuera de reposer sur des matières premières issues de l’agriculture. D’ici 2034, le maïs devrait toujours représenter 60 % du mélange total de cultures utilisées pour produire de l’éthanol, tandis que l’huile végétale devrait constituer 70 % des matières premières pour la production de diesel à base de biomasse.

Même si la croissance ralentit, la demande ne disparaît pas. L’OCDE/FAO prévoit que la production mondiale d’éthanol atteindra 155 milliards de litres d’ici 2034 et celle du diesel à base de biomasse devrait grimper à 80,9 milliards de litres.

Dans ce contexte, la consommation d’huile végétale par le secteur des biocarburants devrait progresser de 0,7 % par an au cours de la prochaine décennie, bien loin du bond de 7,7 % enregistré lors de la décennie précédente, à l’époque où les politiques incitatives battaient leur plein.

Vers un équilibre à repenser?

Alors que la lutte contre les changements climatiques pousse à adopter des solutions énergétiques plus durables et que les pressions alimentaires mondiales ne cessent de croître, le débat « aliment ou carburant » n’a sans doute pas dit son dernier mot.

Pour les analystes comme pour les décideurs, le défi consistera à trouver un équilibre entre sécurité alimentaire, sécurité énergétique… et durabilité environnementale.

Cet article de Sean Pratt publié dans The Western Producer a été traduit et adapté par Le Bulletin des agriculteurs.

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