Les Éleveurs de porcs visent la prospérité

Le Québec est vraiment plus faible du côté des économies d’échelle et de la capacité à optimiser la carcasse

Publié: 12 novembre 2024

Louis-Philippe Roy, président des Éleveurs de porcs du Québec

Après des années difficiles du côté économique, Les Éleveurs de porcs du Québec ont mis la table pour leur Forum stratégique avec un thème de circonstance : « La prospérité par la compétitivité ».

« Ce thème raisonne avec nos préoccupations et met en lumière le thème central de notre travail, notre capacité à être toujours plus performant, plus efficace et plus innovant dans un marché en constante évolution, a dit le président, Louis-Philippe Roy.

Il ajoute que pour y arriver, tous les maillons, de la ferme à l’assiette doivent se remettre en question et chercher l’efficacité.

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Le Forum s’est déroulé alors que le contexte est d’avantage favorable à la production porcine, comme l’a souligné Louis-Philippe Roy.

« La hausse des prix actuels et la baisse du prix des grains, personne ne l’avait vu venir, a-t-il dit. On est quand même choyés pour ce moment-là, de vivre ça. J’espère que vous avez pris des contrats [boursiers]. »

Il ajoute que les périodes d’adversité poussent les entrepreneurs à essayer de nouvelles choses. « Être entrepreneur, c’est vouloir constamment se surpasser, se remettre en question », a-t-il dit.

Il a aussi dit que la recherche de la compétitivité doit aussi se faire sentir à l’international.

Diagnostic de la filière porcine

Justement, est-ce que la filière porcine québécoise est compétitive à l’échelle internationale? Et qu’en est-il par rapport au Canada?

Le Groupe Agéco a analysé 11 facteurs de compétitivité du Canada comparativement à sept autres pays pour le compte du Conseil canadien du porc (CCP).

En fait, le Canada se retrouve environ au milieu, a expliqué l’économiste agricole Catherine Brodeur du Groupe Agéco lors de sa présentation lors du Forum.

Deux pays sont plus compétitifs que le Canada, le Danemark et les États-Unis. L’Espagne et les Pays-Bas se comparent au Canada. Les pays moins compétitifs sont le Brésil, le Mexique et l’Allemagne.

« Les faiblesses du Canada sont les économies d’échelle et la capacité de recherche, de développement et d’innovation », a dit Catherine Brodeur. Le taux de change influence fortement notre compétitivité.

Pour la présentation au Forum, Catherine Brodeur a comparé le Québec au Canada et aux pays analysés dans l’étude pour le CCP. Le Québec est juste derrière le Canada.

Le Québec représente 45% des exportations canadiennes. Entre 55 et 60% de nos exportations sont faites sous forme de viande congelée et le quart est sous forme de viande fraîche. Ces proportions sont inversées pour les autres provinces.

La Chine est le principal client du Québec avec 34% de nos exportations. L’Ontario exporte davantage aux États-Unis, alors que dans l’Ouest canadien, le Japon et les États-Unis sont d’importants clients. Le Québec a donc des coupes de plus faible valeur.

Dans nos compétiteurs, le Danemark se distingue par une coordination de l’industrie, une efficacité technico-économique et un réseau d’innovation et du partage du savoir. Cependant, ils sont confrontés à un climat règlementaire qui est de plus en plus sévère.

Du côté des États-Unis, ce sont les économies d’échelle et la taille de leur marché intérieur qui les avantagent. Leur faiblesse est leur capacité à ajuster le système.

Sur les 11 facteurs de compétitivité comparativement au Québec, les États-Unis et le Danemark sont plus forts. « C’est vraiment eux qui nous chauffent au niveau compétitivité », a dit Catherine Brodeur.

Le Québec est vraiment plus faible du côté des économies d’échelle et de la capacité à optimiser la carcasse comparativement aux États-Unis, le Danemark, les Pays-Bas, le Brésil, le Mexique et l’Espagne.

Au point de vue productivité zootechnique, le Québec est dans la moyenne. Toutefois, le coût d’alimentation pèse sur les élevages. La productivité du travail en ferme est aussi une faiblesse pour le Québec.

Et du point de vue de l’abattage, l’écart se creuse côté productivité du travail comparativement aux États-Unis. D’ailleurs, les économies d’échelles sont le talon d’Achille, selon l’étude. Le plus gros abattoir américain a une capacité de 45% plus grande que le plus gros abattoir du Québec.

Nous avons toutefois des forces. Le taux de change est un avantage pour la transformation lorsque le dollar est bas. « Le Canada, mais encore plus le Québec, se positionne avantageusement sur sa capacité de travailler collectivement, de se coordonner et de se concerter », a expliqué Catherine Brodeur.

Au niveau règlementations, les seuils sont atteints plus rapidement au Québec qu’ailleurs. Les conséquences sont des coûts de construction plus élevées et des économies d’échelle plus faibles.

Le soutien public, l’action collective et sanitaire sont nos précieux atouts.

Pas si évident

Un panel de deux producteurs porcins, un représentant de meunerie et deux responsables d’abattoirs ont expliqué qu’il n’est pas si simple de vouloir améliorer la compétitivité du secteur.

De gauche à droite: Yvan Brodeur d’Olymel, Janin Boucher de CBCo Alliance, Samuel Lefebvre de Ferme Aldo, René Harton, producteur indépendant, Mathieu Couture d’Agri-Marché et Maurice Doyon de l’Université Laval. photo: Les Éleveurs de porcs du Québec

Les producteurs disent utiliser toutes les ressources de leur côté pour améliorer l’efficacité sur leurs fermes. De l’autre, les abattoirs se doivent de fonctionner à pleine capacité, ce qui réduit la flexibilité en cas de pépin.

« Il n’y a aucun abattoir qui se garde de la capacité en réserve », explique Yvan Brodeur, vice-président principal, approvisionnement et production porcine chez Olymel. Il explique qu’aux États-Unis, les lignes de production sont doublées pour assurer une plus grande efficacité.

Au Québec, la situation est autre. « C’est difficile d’aller chercher une plus grande efficacité qu’un deuxième quart de travail », explique Janin Boucher, copropriétaire de Groupe Cérès, actionnaire de l’abattoir CBCo Alliance de Les Cèdres.

Selon le producteur indépendant René Harton, qui a déjà été sous intégration, la petite entreprise porcine se doit d’être efficace.

Parmi, ce qui nuit à l’efficacité, il y a les difficultés de recruter de la main-d’œuvre. En abattoir, la flexibilité des conventions collectives est aussi un frein. L’option d’engager des travailleurs étrangers en abattoirs est la dernière option, mais elle est essentielle.

Les contraintes liées à l’exportation, comme la grève au Port de Montréal est une grande préoccupation en raison de l’importance des exportations dans le secteur porcin.

L’important est de servir le client. Le bien-être animal n’est pas une préoccupation importante pour les clients internationaux.

Malgré les contraintes, le Québec a des atouts sur lesquels il faut miser, comme l’expertise, l’ASRA et la capacité à travailler en filière.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.