Des producteurs maraîchers ont vécu un véritable cauchemar cette année, digne des pires scénarios d’horreur. Des gels printaniers tardifs, suivis de pluies à répétition, ont détruit des cultures entières, et c’est sans parler de la grêle qui a anéanti des cultures, tout juste avant la récolte.
Les fortes pluies ont causé l’affaiblissement des plants, les rendant moins productifs. Les conditions ont été très favorables aux maladies, avec en conséquence des pertes au champ.
La situation est surtout dramatique pour les cucurbitacées, catégories englobant les citrouilles, ainsi que les courges, courgettes, concombres, melon d’eau et cantaloups.
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Pour donner une idée de la situation, la Financière agricole enregistrait en date du 17 octobre 30 avis de dommages pour cette catégorie, dont 26 pour l’excès de pluie et 4 pour la grêle. L’examen de ces dossiers n’était pas terminé au moment de mettre en ligne, mais les indemnités de dommages pour 15 d’entre eux montaient à plus de 900 000$.
« Il reste à évaluer les montants à verser selon la couverture des assurés et l’analyse des dommages par les inspecteurs de la Financière », a fait savoir la conseillère en communication et relations publiques de l’institution, Valérie Beaulieu. Cette dernière s’attend à ce que d’autres demandes soient acheminées à la Financière d’ici la fin de l’année.
Il n’est pas possible de savoir quel sera le montant final ou une estimation de ce dernier puisque cela dépend des dossiers d’assurance des demandeurs. Il n’a pas non plus été possible de comparer les sommes remises en 2023 à celles des années précédentes puisque tout dépend du nombre de producteurs assurés et du pourcentage des champs couverts, des données qui varient d’une année à l’autre. Il est toutefois assuré que les indemnités seront très importantes.
Isabelle Couture, agronome au MAPAQ en cultures maraîchères et spécialiste des cucurbitacées, fournit les informations apparaissant dans les rapports du Réseau d’avertissement phytosanitaire. Elle a suivi de très près la situation tout l’été. Elle confirme qu’elle n’a jamais vu autant d’eau dans les champs depuis qu’elle travaille au MAPAQ, soit depuis les années 2002.
« Il y a eu cette année un melting pot de maladies », résume l’agronome. Les conditions ont été particulièrement propices à une maladie fongique causée par un champignon destructeur et menaçant, le Phytophthora capsici.»
Ce pathogène, très agressif, est responsable des pourritures du collet et des fruits chez les cucurbitacées et les solanacées, une famille de légumes regroupant la pomme de terre, la tomate, l’aubergine et le piment.
L’été a cependant débuté avec l’apparition très précoce de mildiou, un champignon transporté par les spores. Alors qu’il est présent habituellement à la fin juillet, il est arrivé un mois plus tôt, transporté par les cultures de la côte est américaine. « Il est arrivé excessivement tôt. Il est très agressif et pour le contrôler, il faut arroser mais comme le produit est lessivé à chaque pluie, il faut recommencer, ce qui fait que les producteurs ont passé leur été à arroser », raconte Isabelle Couture. Elle explique que le mildiou cause la mort du feuillage, ce qui stoppe la photosynthèse et nuit aux rendements. Le temps sec à la fin août a aidé à faire en sorte que les traitements fonctionnent.
Prévention du phytophthora
L’autre cause des problèmes de cet été, et sans doute pour les années à venir, est le champignon phytophthora qui lui habite le sol. Il se manifeste dans des conditions chaudes et lorsque le sol est saturé d’eau, ce qui a été le cas cette année alors que le sol était souvent humide pendant 24 à 48 heures de suite. Il affecte les fruits quand ils sont en contact avec le sol. « Quand il est présent dans le sol, il s’étend avec les conditions propices. (…) Il peut rester dans le sol presque indéfiniment », explique Isabelle Couture. Détecté au Québec en 2007, il ne cesse depuis de s’étendre dans la province.
Dans le dernier avis sur les cucurbitacées écrit le 16 septembre, on indique que « la liste des plantes pouvant être infectées par Phytophthora capsici ne cesse de s’allonger. Depuis la découverte de sa première victime, le poivron, il s’est rajouté plus d’une cinquantaine de cultures sensibles , dont 17 sont particulièrement ciblées ».
Le caractère très agressif du pathogène amène l’agronome à faire de nombreuses recommandations préventives pour l’an prochain, dans le cas des entreprises qui auraient eu des problèmes avec phytophthora. Parmi la douzaine de conseils, il est mentionné d’éviter pour trois ans les champs ayant eu des plantes hôtes. On recommande aussi de « ne pas irriguer d’un étang qui reçoit l’eau de surface ou de drainage d’un champ infecté » puisque l’eau pourrait contenir des spores du pathogène et transmettre la maladie à tous les plants irrigués.
Les moyens de lutte sont en effet limités contre ce champignon, à part les traitements fongiques et même dans ce cas, l’application est compliquée par le fait qu’il ne faut pas travailler le champ quand il est saturé d’eau. Il n’existe pas non plus de variétés résistantes pour le moment, bien qu’il se fasse beaucoup de recherche en ce moment sur le sujet, mentionne Isabelle Couture.
En cas de doute quant à la présence de ce champignon dans ses champs, l’agronome recommande de faire affaire avec un laboratoire spécialisé afin d’effectuer les échantillons de sol dans les règles de l’art.
Face au caractère très virulent et agressif de ce pathogène qui a détruit dans certains cas des champs en entier, faudrait-il mieux abandonner la culture des cucurbitacées pour une autre? C’est une question difficile à répondre puisque les maraîchers sont souvent spécialisés dans une culture et que cela pourrait remettre en question la nature même de la ferme, indique Isabelle Couture. Il serait également peu probable que 2024 connaisse autant de précipitations que 2023, mais avec les changements climatiques, les conditions météo deviennent de plus en plus incertaines.
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