Bennes géantes : casse-tête pour la compaction

La compaction des sols peut pénaliser l’enracinement des cultures

Publié: 10 juin 2025

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Bennes géantes : casse-tête pour la compaction

Des équipements toujours plus gros permettent d’accélérer la récolte, mais leur poids pose de sérieux enjeux pour la santé des sols.

Le matériel agricole ne cesse de prendre du poids, les bennes à grains (Grain carts) n’échappent pas à la règle. Les plus imposantes atteignent désormais près de 3000 boisseaux de capacité et sont en mesure de transporter jusqu’à 180 000 livres de soya, soit plus de 80 tonnes métriques.

« Si on remonte aux années 1990, il n’était pas rare de voir des bennes de 500 ou 600 boisseaux », rappelle Scott Shearer, directeur du département de génie alimentaire, agricole et biologique à l’Université d’État de l’Ohio. Depuis, il a observé leur taille augmenter régulièrement dont une dernière de 2500 boisseaux, lancée en 2024.

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« Chaque année ou presque, on voit arriver des bennes encore plus grosses. Les fabricants en proposent, les agriculteurs les achètent et ces modèles finissent ensuite sur le marché de l’occasion. Là aussi, les volumes grimpent » met en lumière le chercheur.

Mais ce gigantisme n’est pas sans conséquences : la compaction des sols peut pénaliser l’enracinement des cultures. Et parfois, les conditions météo forcent les agriculteurs à dépasser leurs seuils de tolérance en matière d’humidité et d’accès aux champs.

Des chenilles et des pneus

Le passage répété de machineries très lourde peut engendrer une compaction du sol qui réduit les rendements futurs, d’où l’intérêt croissant pour les bennes à chenilles.

« Aujourd’hui, je vois bien plus de bennes équipées de chenilles que de roues, surtout avec les modèles d’une capacité de chargement énorme », note Scott Shearer.

Même avec des chenilles, les risques de compaction et de pertes de rendement restent présents. Mais selon les recherches de Scott Shearer, les chenilles auraient un impact un peu moins marqué que les roues, en particulier dans des conditions de sol défavorables.

Les agriculteurs ont maintenant le choix entre différents types de chenilles et de technologiques, comme les pneus IF (à flexion accrue) ou VF (à très haute flexion), qui permettent de limiter les effets du passage des bennes. Mais Scott Shearer insiste : « Ça ne supprime pas le problème de la compaction ».

« Il faut rappeler que c’est le poids total du matériel qui est en cause. Plus il est élevé, plus le risque est grand », dit-il. Et à ce titre, les plus grosses bennes sont les pires, selon lui : de véritables machines à compaction.

« Cela m’inquiète énormément. Certaines atteignent 2500 boisseaux. Si on ajoute ce volume — à raison de 60 livres par boisseau — au poids de la benne vide, on frôle les 90 tonnes métriques. »

La compaction en profondeur

Les nouvelles technologies de pneus et de chenilles permettent de répartir ce poids sur une plus grande surface. Mais attention : cela peut entraîner une compaction en profondeur.

« La pression exercée sur le sol peut sembler modérée, mais comme elle est répartie sur une vaste zone, elle peut pénétrer plus profondément », explique-t-il.

« Autrefois, on craignait des tassements dans les premiers 15 à 18 pouces (± 40 cm). Mais dans des conditions humides, il peut descendre jusqu’à 30 ou 40 pouces (0,75 à 1 mètre). On commence probablement à voir s’accumuler les effets de cette compaction profonde, à mesure que les machines continuent de grossir. »

La course aux grosses bennes s’explique aussi par la volonté d’optimiser la récolte. On les voit souvent filer derrière la moissonneuse en pleine récolte, se remplissant en continu pour maximiser l’efficacité.

Les moissonneuses aussi gagnent en taille, en puissance et en poids. Certaines frôlent les 800 chevaux, avec des trémies qui se remplissent plus rapidement et doivent être vidés plus fréquemment. « Avec le maïs à haut rendement, il ne faut que quatre minutes pour la remplir » indique-t-il.

Plus de risques en automne

Lorsque les chariots à grains poursuivent les moissonneuses de cette manière, cela peut augmenter le risque de compactage, dit-il, en particulier dans les champs détrempés lors de récoltes difficiles.

« La compaction survient surtout quand les sols sont humides. Si vous avez des sols extrêmement secs, je ne me soucie pas vraiment de la taille du chariot à grains », explique Scott Shearer. « Mais à l’automne, quand l’humidité revient, c’est là que je m’inquiète. »

Le spécialiste comprend que parfois, les agriculteurs n’ont pas le choix : récolter dans des conditions difficiles est à l’occasion une nécessité, que ce soit pour respecter une fenêtre de récolte serrée ou payer les factures de fin d’année.

Mais il conseille, autant que possible, de toujours circuler dans le même chemin dans le champ. « Si vous pensez faire mieux en créant de nouvelles traces, vous ne faites qu’empirer les choses. »

Il explique que le premier passage représente environ 85 % des dégâts de compaction. « Les suivants en ajoutent un peu, mais c’est marginal : 10 à 15 % de perte de rendement supplémentaires au maximum. »

Dernier conseil de Scott Shearer pour ceux qui envisagent l’achat d’une benne à grains : ne vous laissez pas séduire par les très gros modèles si vous n’en avez pas réellement besoin.

« Il faut éviter le syndrome du voisin gonflable. Les bennes plus petites sont non seulement moins chères, mais elles réduisent aussi les problèmes d’opérations au champ et les risques de compaction, surtout en conditions difficiles. »

Cet article de Mark Halsall publié dans The Western Producer a été traduit et adapté par Le Bulletin des agriculteurs.

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